une longue histoire que seul «Momo de la Casbah» sait conter avec des éclats de rire qui sont à la fois fureur du juste et amour du philosophe. Oui,...et amour!...Que l'on ne vienne pas nous le dire; ce regretté «Fou d'El-Bahdja» se dit fort bien lui-même, -et qui oserait croire qu'il l'aurait permis un jour à qui que ce fût? Que l'on n'essaie pas, a contrario, comme le souhaite Amar Belkhodja dans un très sincère mouvement de fidélité et de respect à l'auteur, d'aller faussement sur «les traces de cet homme humble et cultivé qui se plaisait à vivre parmi les gens simples qui composent la société profonde»! Dans son bel ouvrage, Momo, la magie des mots, Amar Belkhodja, ancien journaliste à El-Moudjahid et auteur de plusieurs livres consacrés à la recherche historique, nous propose de quoi nous faire imaginer le meilleur de Himoud Brahimi: poète, comédien, mystique, ancien recordman de l'apnée, fraternel, spirituel, homme doux et rageur, généreux et circonspect, homme tout court...Il en parle avec un coeur dont il n'y a guère beaucoup aujourd'hui chez nos journalistes des arts et des lettres et chez ceux qui s'occupent de gérer la littérature algérienne. Non, non, il n'y a pas de conspiration du silence autour de nos artistes; il y a une certaine destinée subjuguée, qui vient d'ailleurs, qui se terre chez nous et qui continue de faire la tache d'huile et qui a fait dire bien des fois à Momo: «Je n'ai besoin de rien/Je n'ai pas besoin de quiconque.» En effet, qui ne songe, aujourd'hui, à se faire valoir de l'amitié de «Momo» et de lui dérober les mots avec lesquels il a mille et une fois chanté «sa» Casbah dans ses mosquées, dans ses maisons, dans ses palais, dans ses rues, dans ses quartiers, partout où il a pu se transporter, y compris dans ses rêves de prodigieux artiste en tout genre? Qui n'aurait-il pas la malsaine outrecuidance de venir après lui jusqu'à se prosterner comme lui, naguère, dans les profondeurs de la baie au bord de laquelle, elle, «Casbah de la Terre, de la Mer et du Ciel», elle qui l'a pris «dans les mailles de son filet»? Eh oui, la course à l'amour de la Casbah est ouverte, tant mieux! Mais le poète nous aura pourtant averti dans ce vers: «O Mon Dieu, comme la Casbah est très demandée ces jours-ci!» Qu'importe! le poète avait beaucoup appris; la Casbah l'a préparé pour se faire bellement «marquer au front» par Celui qu'il adore, elle qui «résume les mille ans de prières», elle dont il dit «Quellle que soit l'emprise que demain aura sur toi, tu resteras/toujours superbe,/Mienne Casbah!». Quel titre, Mienne Casbah! Quel beau serment de suprême piété! Il a dit «Mienne Casbah!» Laissons au poète sa vérité, toute sa vérité qu'il explicite opportunément dans son oeuvre de jeunesse et néanmoins limpide et courageuse, intitulée «L'Entité suprême», publiée à Alger, en 1958, chez Baconnier. Son ouvrage, à côté de mon premier essai, était exposé dans la vitrine d'un buraliste et marchand de journaux, rue Larbi Ben M'Hidi (rue d'Isly d'avant l'Indépendance). C'est par là, tous les deux regardant la même vitrine, que j'ai fait ma toute première rencontre avec Himoud Brahimi, déjà l'Unique «Momo de la Casbah»...Nous nous sommes rencontrés, plus tard, à l'indépendance, parfois à la radio, dans les salles de rédaction des premiers journaux et revues de l'Algérie indépendante, dans les conférences où il manquait rarement d'interpeller les conférenciers soit pour les encourager, soit pour les inviter à revoir leur copie, soit pour les vilipender. Momo dans la salle de conférence: c'est un spectacle de toute façon! C'était un artiste libre avec ses amis, libre face à ses adversaires; il le disait franchement aux uns et aux autres, et le répétait sans aucune ambiguïté dans ses écrits. Il faut lire les extraits établis judicieusement par Belkhodja, évidemment à propos de la Casbah, de ses femmes, de ses hommes et de ses enfants, à propos de Zinet, Chalabi, Kaki, Safir,...et, bien sûr, à propos de L'Etranger de Camus et à propos d'autres événements d'actualité. Je conseille vivement la lecture du texte intitulé Mirage! De même qu'il était «un solitaire dans la foule», comme l'a si justement observé Amar Belkhodja, ainsi Momo n'avait appartenu à aucune corporation culturelle, si respectable qu'elle fût aux premiers mois de l'Indépendance, telle que l'Union des Ecrivains Algériens. Aussi, l'information récente glissée dans L'Expression, notre journal, est-elle totalement inexacte, lorsque son auteur écrit: «L'Union des écrivains algériens qui a vu le jour le 28 octobre 1963 grâce à Mouloud Mammeri, Malek Haddad, Jean Sénac et Himoud Brahimi, n'arrêtait pas d'activer et d'organiser des séminaires.» Je précise que le Bureau exécutif de la toute première Union des Ecrivains Algériens était composé de Mouloud Mammeri (président, trésorier général), Jean Sénac (secrétaire général), Kaddour M'Hamsadji (secrétaire général adjoint), Mourad Bourboune et Ahmed Sefta (assesseurs). Au reste, d'une part dans la liste des adhérents publiée avec la Charte de L'UEA, Himoud Brahimi ne figure pas -hélas!-, d'autre part l'Union a bel et bien activé, sans toutefois avoir organisé «des séminaires»! Quant à Momo à l'Union, s'il avait voulu y adhérer, l'adhésion étant volontaire, il aurait pu évidemment et aisément être parmi nous.