La France vit depuis lundi la période post-élection, mais un après-scrutin sans surprise puisque le changement du Premier ministre était envisagé depuis plusieurs semaines, et même le successeur de Jean-Pierre Rafarin était connu avant même que ne soit prise la décision officielle. Pour tout dire, Dominique de Villepin, depuis hier nouveau Premier ministre français, a même eu droit, avant d'être désigné à ce poste, à des critiques acerbes de la part notamment de Nicolas Sarkozy qui rappelait dans ses meetings que M. De Villepin n'est pas un élu, et il n'a jamais cherché d'ailleurs à être élu. Et certains se plaisent à rappeler par ailleurs qu'en 1997, il était l'un des artisans de la dissolution de l'Assemblée qui sera fatale au gouvernement d'Alain Juppé et ramènera la gauche au pouvoir. Ce n'est donc pas le fusible qui saute, mais bien autre chose, un réaménagement tout au plus pour donner cette impulsion qui tarde à venir et qui serait susceptible d'aider la droite à conserver la présidence de la République en 2007. Le jeu est terriblement serré avec la campagne en règle lancée dès dimanche soir, perçue comme l'artisan de l'échec, mais la gauche classique n'en sort pas renforcée quant à elle. Il s'en est même trouvé l'étranger pour demander une démission du président Jacques Chirac. Mais hier, apprenait-on par le biais d'un communiqué officiel du Palais de l'Elysée, « le président de la République a nommé Dominique de Villepin Premier ministre et l'a chargé de former le nouveau gouvernement ». Le ministre de l'Intérieur, un proche du chef de l'Etat, succède à Jean-Pierre Raffarin, qui a remis la démission de son gouvernement hier matin à Jacques Chirac, confronté à une sévère érosion de sa popularité, dix ans après son arrivée à l'Elysée. Le camp chiraquien, marqué par des divisions sur le traité constitutionnel européen, entend resserrer les rangs à moins de deux ans de la Présidentielle... au risque de faire lever la houle dans la majorité, dont nombre d'élus apprécient modérément le fougueux lieutenant du chef de l'Etat. Sans parler du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, déjà parti sur le chemin de l'Elysée, qui considère la nomination de Dominique de Villepin comme une déclaration de guerre. Le nouveau Premier ministre est un fidèle de Jacques Chirac, qu'il a commencé à servir dans les années 1980 au RPR. Sa nomination à Matignon doit permettre à Jacques Chirac de reprendre l'initiative. Dimanche soir, après l'annonce de la victoire du « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen, le chef de l'Etat a annoncé « une impulsion nouvelle et forte » pour l'action gouvernementale. La priorité reste la même : la lutte contre le chômage qui a franchi au début de l'année la barre des 10%. Dominique de Villepin fait, pour sa part, depuis plusieurs mois le constat d'une France « en crise » qu'il convient de faire avancer « en la rassurant ». « La difficulté, c'est qu'aujourd'hui beaucoup de nos compatriotes expriment des peurs, des doutes, des frustrations et qu'il faut constamment être soucieux de ces sentiments, de ce vécu, de ce ressenti si on veut éviter qu'il y ait des déchirures », avait souligné Dominique de Villepin, esquissant en filigrane son discours de politique générale. Mais la mise au point s'adressait aussi et surtout à Nicolas Sarkozy, qui a fustigé pendant la campagne une France qui n'a plus « le meilleur modèle social » de l'Union européenne. Le voilà donc chargé de la mise en œuvre de l'« impulsion nouvelle et forte » promise par le chef de l'Etat pour l'après-référendum. Et là, il lui faudra plus que le talent de diplomate, si l'on prend en considération les différentes lectures que permet le vote de dimanche. En d'autres termes, redonner confiance aux Français qui ont sanctionné la classe politique traditionnelle et mis en évidence l'existence de « deux France », de trouver des réponses à la coupure confirmée entre les Français. Il va ainsi constater ce qu'il pensait de Matignon en disant que c'était « un tourbillon sans haut ni bas » alors que l'Elysée était « la plus haute tour de la République, là où on est pris dans les vents du temps ». Et au regard de son constat de mai dernier, il y a très peu de place pour la politique. Sera-t-il ce « très bon capitaine d'escadron de commando » comme le qualifiait en 2000 Jacques Chirac ?