«En politique quand un événement arrive, on peut être sûr qu'il a été programmé pour se dérouler ainsi». Franklin Delanoë Roosevelt (président des Etats-Unis d'Amérique mort en 1945) Le Liban est, encore une fois de plus, dans la tourmente. Ce pays n'arrête pas de souffrir le martyre par Israël interposé, bras armé et haineux d'un Occident qui veut remodeler le monde dans le sens d'une disparition des peuples arabes et musulmans au nom de la sacro-sainte sécurité d'Israël. Depuis 1978, date de la première attaque d'Israël contre l'aéroport de Beyrouth, ce pays n'a pas eu de répit. La guerre civile a détruit toute une symbolique d'un pays multiculturel et multireligieux. Le Hezbollah n'est pas tombé du ciel, il a vu le jour en réponse à l'invasion du Liban de 1982. Personne ne se souvient de Sabra et Chatila et de la responsabilité de Sharon pour plus d'un millier de morts. Dans le dernier épisode de juillet-août 2006, le Liban a subi une guerre sans nom qui a détruit des dizaines de milliers de maisons, de ponts, fait plus de 1200 morts et des milliers de blessés. Le seul enseignement de cette guerre est que l'invincibilité d'Israël a été remise en cause par une poignée de patriotes libanais forts de leurs droits à défendre leur terre. Cela n'a pas empêché Israël à utiliser des armes de destruction massive, notamment nucléaires et dont il ne rend pas compte à la communauté universitaire tétanisée par le véto systématique des Etats-Unis au Conseil de sécurité. «Ce sera un jour historique», avait promis Hassan Nasrallah. En appelant, jeudi 7 décembre, ses partisans à une nouvelle mobilisation, le secrétaire général du Hezbollah, ainsi que son allié chrétien, Michel Aoun, réaffirmaient leur intention de faire tomber le gouvernement dirigé par Fouad Siniora. Un raz-de-marée humain a répondu à leur appel. Dimanche 10 décembre, dès les premières heures de la matinée, des bus ont afflué des quatre coins du pays, arborant les drapeaux jaunes du Hezbollah, orange du Courant patriotique libre (CPL) de Michel Aoun et verts du mouvement chiite Amal, dirigé par le président du Parlement, Nabih Berri. L'armée s'était déployée en force dans les grandes artères de la capitale, protégeant, entre autres, le Sérail où le Premier ministre, Fouad Siniora, et certains de ses ministres sont retranchés depuis douze jours. Le bras de fer actuel est une tentative pacifique de provoquer la formation d'un gouvernement d'unité national. Fait paradoxal, Fouad Siniora joue la carte américaine et européenne contre celle de l'immense majorité du peuple libanais qui lui demande de partir. Même Michel Aoun, ancien général, acteur de la guerre civile, s'est allié au Hezbollah pour demander le départ de Fouad Siniora. C'est aussi le cas du président Emile Lahoud. La presse européenne et américaine présente Siniora comme un résistant et minimise la protestation populaire qui en est au treizième jour. Elle s'évertue, à tout prix, à voir la main de Damas et de Téhéran dans toute action du Hezbollah. Il est fort à parier que ce n'est pas l'accord pour un tribunal international devant juger l'affaire Rafic Hariri qui soit le seul motif. Les raisons sont plus profondes. Il s'agit, en fait, d'un remodelage du Moyen-Orient qui a commencé avec l'Irak et qui englobera aussi la Palestine de Mahmoud Abbas. Ce que réclament les manifestants «pacifiquement» est la formation d'un «cabinet d'union nationale» dans lequel siégeraient des ministres chiites et du CPL. «La première manifestation avait pour but de montrer à la majorité notre poids, explique Christian, un sympathisant aouniste. Celle d'aujourd'hui est un message adressé à l'extérieur afin de prouver que l'opposition peut tenir la rue, que nous procédons de façon démocratique.» A-t-il peur de dérapages? «Non, personne n'a intérêt à ce qu'il y ait des affrontements, surtout pas l'opposition.» «Nous sommes ici aujourd'hui car le gouvernement est incapable de trouver des solutions aux problèmes des Libanais», affirme, quant à lui, Georges, un Aouniste vêtu d'orange de pied en cap. «Notre action est démocratique. Nous voulons participer au gouvernement.» «Nous sommes tous pour le tribunal international, qui doit permettre de juger les assassins de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri», ajoute le jeune homme.(1) Michel Aoun, écrit Emmanuel Villin, a affirmé que l'opposition «pourrait recourir à la désobéissance civile» et a menacé de former, avec le Hezbollah, un gouvernement parallèle «de transition». Dans le même temps, une foule immense s'est également rassemblée dimanche après-midi à Tripoli, métropole du Liban-Nord et deuxième ville du pays à dominante sunnite, pour exprimer son appui au gouvernement de Fouad Siniora. Le Courant du futur de la famille Hariri et ses alliés chrétiens, représentés au gouvernement Siniora, y avaient emporté les 28 sièges de députés du nord du Liban lors des législatives de mai-juin 2005. Le jeudi 7 décembre, trois jours avant ces manifestations, Hassan Nasrallah avait brusquement durci le ton contre le gouvernement, l'accusant d'avoir fait le jeu d'Israël pendant la guerre de cet été, allant jusqu'à qualifier de «traîtres» certains ministres. Samedi 9 décembre, le président de la République, Emile Lahoud a, lui, rejeté de valider le projet de tribunal international destiné à juger les assassins de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Présenté par le Conseil de sécurité de l'ONU, le projet a été avalisé par le gouvernement Siniora et doit absolument être adopté par la Chambre des députés dont le président Nabih Berri a déjà fait savoir qu'il ne convoquerait pas le Parlement pour procéder au vote. C'est dans ce contexte que le procureur international en charge de l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri, Serge Brammertz, a remis mardi 12 décembre un rapport d'étape à l'ONU.(1) Naturellement, dans cette atmosphère riche en coups tordus, chaque camp accuse l'autre de trahison. Ainsi écrit le rédacteur du site le Réseau Voltaire, «le ton monte au Liban où le gouvernement Siniora s'accroche toujours au pouvoir bien qu'il ait perdu sa légitimité constitutionnelle depuis le 11 novembre. Dans une allocution télévisée, le secrétaire général du HezbAllah, Hassan Nasrallah, a souligné que, durant la guerre, des membres du gouvernement ont donné l'ordre à l'armée de confisquer les armes de la Résistance. Ces mêmes ministres auraient fourni des informations aux Etats-Unis et à Israël pour les aider à éliminer la Résistance. Cheikh Nasrallah a demandé la création d'une commission d'enquête sur ces faits qui relèvent de la haute trahison. La trahison de membres du gouvernement est pourtant avérée: au cours de la bataille de Marjayoun, le général commandant la caserne de gendarmerie avait reçu une instruction ministérielle de recevoir et de protéger une centaine de militaires israéliens encerclés par la Résistance. La télévision israélienne avait diffusé des images du général prenant le thé avec son homologue israélien».(2). Ceci est a priori, à ne pas écarter car comment pourrait-on comprendre l'acharnement de l'Europe et des Etats-Unis à vouloir imposer, à tout prix, un gouvernement qui n'a plus de légitimité depuis la démission des ministres du Hezbollah et de Amal. Ainsi, comme l'écrit le quotidien conservateur canadien, The Globe and Mail, dans son édition du 1er décembre 2006, que les Etats-Unis forment depuis 17 mois une garde prétorienne pour défendre le gouvernement qu'ils ont mis en place au Liban à la faveur de l'assassinat de Rafic Hariri. De plus, la collusion de l'Egypte et de l'Arabie Saoudite avec le régime Siniora est avérée. D'ailleurs, pour montrer l'étroite «coopération», la personne de Fouad Siniora est sanctuarisée. Selon Ahmad Fatfat, ministre de l'Intérieur par intérim, M.Siniora aurait convaincu l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït et l'Egypte d'aider à la constitution de cette force. Il aurait fait valoir sa qualité de sunnite et brandi le spectre d'un Liban gouverné par une coalition dominée par des chiites. Les Etats-Unis ont, identiquement, formé une garde prétorienne pour défendre le président Mahmoud Abbas en Palestine après qu'il eut perdu les élections législatives au profit du Hamas. Cette situation a conduit à un début de guerre civile. Que peut-on dire en définitive? Le Liban est plus que jamais à une croisée de chemins. Tiraillé entre deux tendances, celle prêtée à Damas et Téhéran accusée à tort ou à raison de faire le lit du chiisme avec l'apport du courant chrétien de Michel Aoun, est obligé d'allumer des contre-feux pour diminuer la pression de l'Occident concernant le programme nucléaire. L'autre tendance que l'on présente comme sunnite avec aussi une autre mouvance chrétienne celle des Gemayel. Le jeu est complexe, la seule «certitude» est que ce n'est pas un conflit religieux chrétien-musulman tout au plus une fitna entre le chiisme iranien et le sunnisme de l'Arabie Saoudite par acteurs libanais interposés. On peut être sûr que ci l'Occident lâche sur le dossier iranien, comme le préconise James Baker -pour régler l'affaire de l'invasion de l'Irak- le dossier libanais verrait, comme par enchantement, un début de solution.... On l'aura compris, ce déchirement intra-musulman a été programmé pour se dérouler ainsi. Le grand bénéficiaire est, naturellement, Israël qui peut transformer sa défaite vis-à-vis du Hezbollah en victoire par suite de la détérioration lente de la société libanaise. Les tentatives de la Ligue arabe -elle aussi aux ordres- pour tenter d'aplanir les divergences se réduisent à augmenter le nombre de portefeuilles du Hezbollah d'un gouvernement qui comprendrait une trentaine de ministres. Le problème est ailleurs, c'est celui d'une vision globale du règlement de la crise du Moyen-Orient dans le cadre bien compris des centaines de résolutions de l'ONU qu'Israël, jouissant d'une impunité, ne cesse de bafouer au point de ne pas reconnaître les protestations de grandes puissances comme la France et l'Allemagne qui ont «protesté», contre la violation de l'espace libanais, de nombreuses fois. 1.Emmanuel Villin Le Liban descend dans la rue. Journal La Croix du 11 décembre 2006 2.Rédaction: L'opposition libanaise accuse des ministres de haute trahison Réseau Voltaire: 8 décembre 2006. 3.Rédaction: Les Etats-Unis créent une garde prétorienne pour Fouad Siniora. Réseau Voltaire: 4 décembre 2006.