Le président palestinien Mahmoud Abbas n'a pas coupé la poire en deux comme cela se dit généralement. Il a décidé hier de mettre en jeu son mandat de président de l'Autorité palestinienne, ainsi que celui du gouvernement mené par le mouvement Hamas depuis sa victoire aux élections législatives de janvier dernier. C'est là, semble t-il, la seule issue à la crise actuelle née du boycott international des instances palestiniennes et de l'asphyxie financière qui en a découlé. Des représailles décidées par le Quartette international, incluant donc l'onu une première pour cette instance. Dans un discours particulièrement attendu, mais qui sera lourd de conséquences au regard de la position adoptée par le mouvement Hamas, le président palestinien a décidé hier d'appeler à des élections anticipées dans les territoires palestiniens, une décision immédiatement rejetée par le Hamas. « J'ai décidé de convoquer des élections présidentielles et législatives anticipées », a déclaré M. Abbas à Ramallah (Cisjordanie), siège de l'Autorité palestinienne. « Nous rejetons l'appel du président Abbas à la tenue d'élections anticipées car cela va à l'encontre de la loi fondamentale palestinienne », a immédiatement répliqué le porte-parole du Hamas, Ismaïl Radouane. A l'inverse, des tirs de joie des partisans du Fatah, le parti de M. Abbas, ont retenti à Ghaza. Selon un haut responsable palestinien, ces élections devraient avoir lieu « d'ici trois mois ». « Les élections anticipées auront lieu d'ici trois mois. Toute opposition juridique à ces élections sera examinée conformément aux pouvoirs du président », a affirmé Yasser Abed Rabbo, membre du comité exécutif de l'OLP et proche collaborateur de M. Abbas. Les dernières élections présidentielles et législatives se sont tenues respectivement en janvier 2005 et janvier 2006. « La loi fondamentale stipule que le peuple est la source des pouvoirs. Laissons le peuple dire son mot et être l'arbitre », a ajouté le président de l'Autorité palestinienne. « Je vais discuter avec la commission électorale centrale le plus vite possible pour lancer les préparatifs » en vue d'organiser ces élections, a-t-il précisé. « J'ai décidé de m'adresser à notre peuple en raison des souffrances qu'il a endurées ces derniers mois et durant lesquels il a dû supporter l'insupportable », a déclaré M. Abbas. « Je me devais de parler au peuple car le peuple est le fondement de l'autorité, de la souveraineté et notre référence », a-t-il ajouté. M. Abbas a critiqué les tirs de roquettes visant le sud d'Israël « alors que les Israéliens ont quitté la bande de Ghaza », tirs, qui selon lui, n'entraînent que la destruction et font fuir les investisseurs. « La bande de Ghaza aurait même pu importer de la main-d'œuvre, mais ce que nous voyons au contraire c'est que la population vit dans la famine, la pauvreté et le chômage », a-t-il estimé. Il a également critiqué le saccage, jeudi, par des sympathisants du Premier ministre islamiste Ismaïl Haniyeh du terminal de Rafah, entre l'Egypte et Israël, après le refus israélien de laisser ce dernier introduire dans la bande de Ghaza des fonds collectés à l'étranger. Le président de l'Autorité palestinienne a en outre affirmé que 500 Palestiniens avaient été tués et 4000 autres blessés dans des attaques israéliennes dans la bande de Ghaza depuis l'enlèvement d'un soldat israélien fin juin. Sur le volet politique, il a affirmé que le pouvoir dans les territoires palestiniens n'était pas « bicéphale », le gouvernement devant selon lui appliquer la politique qu'il lui dicte. « Limoger le gouvernement est un droit constitutionnel que je peux exercer quand je veux », a-t-il insisté. « Ce n'est pas une recette pour une guerre civile comme l'a dit Zahar », a-t-il ajouté en se référant au ministre des Affaires étrangères au gouvernement contrôlé par le Hamas, Mahmoud Zahar. Le dirigeant palestinien s'est ensuite lancé dans un long exposé des différentes sessions de dialogue avec le Hamas en vue de former un gouvernement d'union nationale et qui se sont soldées par un échec. Le discours de M. Abbas est intervenu dans un contexte d'extrême tension avec le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle le gouvernement depuis mars, après des tirs jeudi soir contre le convoi du Premier ministre Ismaïl Haniyeh. Le Hamas a dénoncé une « tentative d'assassinat » et accusé un chef du Fatah de l'avoir commandité. Est-ce donc la voie qui doit mener vers un règlement du conflit interpalestinien ? Le président Mahmoud Abbas et avec lui de nombreux palestiniens en sont persuadés. Mais à l'inverse, il en est qui pensent autrement. Ceux-là en sont même à se demander quelle forme prendra la prochaine crise, car cela a un lien avec Israël et le processus de paix. C'est bien l'Occident et Israël qui incitaient à changer de direction après avoir concentré leurs tirs sur le Fatah et l'Autorité palestinienne accusée de tous les maux, entre autres, incompétence et corruption. C'est de cette manière que le mouvement Hamas s'est engagé dans la voie politique en participant pour la première de son existence aux élections législatives de janvier dernier. La suite, tout le monde la connaît.