Une justice équitable dépend d'abord de l'assurance que garantit l'Etat au magistrat pour qu'il ne soit pas victime de chantage ou l'objet de pression. Les magistrats seront, désormais, dans l'oeil du cyclone. Avec l'ouverture du dossier de la corruption, ces derniers auront une lourde mission à remplir. L'assassinat du magistrat d'Oum-El-Bouaghi, mercredi dernier, démontre qu'ils font l'objet d'intimidation et de menace. Cet acte vient de remettre en cause, une nouvelle fois, la problématique de la sécurité des magistrats, un corps très important pour l'édification d'un Etat de droit. Contacté à ce sujet, le président du Syndicat national des magistrats, M.Djamel Laïdouni, est revenu sur la situation des magistrats en Algérie. A ce propos, le président du syndicat compte saisir le ministre de la Justice pour assurer un minimum de sécurité à nos juges. Comme il a sévèrement dénoncé l'assassinat de son collègue qu'il qualifie d'acte barbare. A la question de savoir si cet acte a un lien avec les opérations de contrôle des responsables locaux, le président a complètement écarté cette thèse en affirmant que «c'est un acte isolé». Pour rappel, le magistrat Bouterfa Mourad, 30 ans, officiant dans la ville d'Oum El Bouaghi a été tué par balles, alors qu'il se dirigeait vers Annaba où il réside. Des feuilles et documents ont été trouvés éparpillés près de la voiture, donnant à penser aux services de sécurité en charge de l'enquête, que le crime serait en rapport avec des affaires traitées par le magistrat. Selon des sources crédibles, la victime avait pour mission de traiter des dossiers ayant trait à la corruption et à la dilapidation de deniers publics, ce qui porterait les soupçons, selon les mêmes sources, sur la «mafia politico- financière». Or, même s'il s'agit d'un acte isolé, comme le prétend notre interlocuteur, il n'en demeure pas moins que la problématique de la sécurité des magistrats reste de mise. D'ailleurs, le président du syndicat l'avait même reconnu en précisant que le magistrat n'est pas du tout à l'abri du danger. «Le magistrat est considéré comme un simple citoyen qui vit dans un quartier populaire», atteste-t-il. Cette déclaration prouve que les hommes de loi censés défendre les principes de la nation et du peuple sont livrés à eux-mêmes. Ces derniers ne bénéficient pas d'une couverture sociale et sécuritaire en mesure de leur garantir une assurance pour accomplir parfaitement leur travail. Ce n'est pas tout. M.Laïdouni affirme que la corporation des magistrats aspire toujours à l'amélioration des conditions de vie sociale. Malgré les instructions données par le chef de l'Etat pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, rien n'a été réalisé sur le terrain. Pis, le magistrat n'est pas, seulement, exposé au danger dans son lieu de résidence mais même dans son travail. L'ouverture des dossiers de la corruption va, certainement, mettre les magistrats dans une situation très difficile celle d'obéir à la loi ou de céder aux actes de chantage. Le chef de l'Etat avait sommé les magistrats de «n'obéir ni aux militaires ni aux politiques». «N'obéissez qu'à votre conscience et uniquement à votre conscience», a-t-il déclaré avec insistance. «Il faut arriver à avoir des juges incorruptibles, forts, qui agissent selon leur conscience, ce jour-là, et nous y arriverons, nous aurons atteint la véritable indépendance de la justice.» Cependant, une justice équitable dépend d'abord de l'assurance que garantit l'Etat au magistrat pour qu'il ne soit pas victime de chantage ou objet de pression. «Nous aspirons toujours à une indépendance de la Justice, sans laquelle on ne pourra pas asseoir une justice équitable et saine», affirme M.Laïdouni. S'expliquant sur ce sujet, en marge du séminaire de jumelage des juridictions d'appel algéro-françaises, la magistrate, Sihem Bachiri, a déclaré que les magistrats algériens ont «l'ambition d'arriver à améliorer la sécurisation et la sécurité des juridictions». Elle a estimé que la sécurisation des volets humain, matériel et de l'information «est devenue une exigence, voire un impératif pour la réforme de la justice». Me Bachiri a ajouté que le nouveau siège de la cour d'Alger qui sera fonctionnel incessamment, «répond aux normes internationales en matière de sécurité» mais, selon elle, «le reste des tribunaux qui en dépendent, devraient être rénovés de façon à assurer une sécurité et une sécurisation de tout le personnel de la justice».