Le bâtonnat d'Alger a mis à exécution sa menace, formulée mardi dernier à l'occasion d'une réunion de son Conseil. La session criminelle dont le coup d'envoi était prévu pour hier, a fait l'objet d'un boycott largement suivi par les robes noires. Contacté par L'Expression, le bâtonnier national, Me Selini a tenu à préciser que cette action n'a pas été décidée après son élection à la tête du bâtonnat d'Alger. «Le Conseil sortant a déjà pris attache, par le passé, avec le parquet de la capitale, dans le but d'ouvrir un dialogue autour des conditions de travail des avocats d'Alger.» Une démarche qui n'a pas abouti, ce qui explique le «débrayage» d'hier. En fait, les robes noires reprochent à leurs collègues de la magistrature un manque de considération à leur égard. Me Selini énumère, à cet effet, une longue liste de comportements des auxiliaires de justice, dont les retombées sur l'exercice du métier d'avocat sont néfastes. On citera, à titre d'exemple, le refus de remettre à la défense la troisième copie du dossier judiciaire, la mise en branle de l'acte d'instruction en l'absence de l'avocat. En résumé, les robes noires entendent mettre en évidence de graves violations des droits des justiciables. Lors de la conférence de presse qu'il a animée hier, Me Selini a dénoncé «le mauvais traitement du système judiciaire à l'égard du corps de défense, les entraves aux activités quotidiennes de l'avocat et les outrages faits à la défense dans l'accomplissement de ses fonctions.» Cela dit, le bâtonnier soutient que son organisation vise à «mettre en place de nouvelles conditions pour les relations entre l'avocat et le magistrat et à unifier les deux corps en vue d'améliorer la justice au service des citoyens.» Cette sortie des robes noires du plus important bâtonnat du pays n'est pas pour arranger le ministre de la Justice qui est soumis à une autre pression, émanant celle-là, des magistrats qui brandissent la menace de ne pas superviser le déroulement des prochaines élections si leurs revendications socio-professionnelles ne sont pas satisfaites. Le risque de voir l'action des avocats d'Alger faire tache d'huile et toucher d'autres villes du pays, n'étant pas à écarter, et le ton de plus en plus ferme du Syndicat national de la magistrature, augurent d'une période très difficile pour l'institution judiciaire. Les réformes engagées, il y a plus d'un an, seront, sans doute, mises en veilleuse.