La décision de reprendre le travail a été prise hier par le bâtonnat après une énième réunion avec le président de la cour d'Alger et le procureur général. Tous les points litigieux ont pu être aplanis et les relations magistrats-avocats assainies. Qu'est-ce qui a bien pu irriter les avocats d'Alger au point de débrayer et de boycotter la session criminelle? En fait, ils en avaient «gros sur le coeur» depuis longtemps jusqu'à atteindre le ras-le-bol qui les a fait sortir de leurs gonds. Ils ont été l'expression de toute la corporation à travers le territoire national, et si le mouvement a été circonscrit à la seule région d'Alger, cela est dû à la grande sagesse du nouveau bâtonnier Me Silini plus enclin à l'apaisement qu'à un embrasement dévastateur. A l'image d'une déliquescence à large spectre que connaissent tous les secteurs, la position des avocats dans leurs relations avec les magistrats s'était sérieusement détériorée. L'octroi d'une troisième copie du dossier à la défense était remis en cause ce qui laissait la voie ouverte à l'improvisation et à l'à-peu-près. La principale victime d'une telle situation est, bien sûr, le justiciable. Comme n'était pas accordé le droit de plaider à la partie «non appelante» et était entachée de partialité la justice rendue. Les «tours de faveurs» figuraient également dans les revendications des avocats. Pour cela, ils avancent qu'une affaire devant déboucher sur un renvoi lors de l'audience pouvait, à la demande de l'avocat, être avancée sur le rôle. Ceci pour une certaine sérénité à rétablir entre les citoyens et leur justice. Ce ne sont là que quelques exemples saillants des doléances émises par les avocats. D'autres points figurent sur la liste passée en revue par les deux parties lors des négociations. Mais en fait le malaise n'a pris des proportions que par sa durée et sa mauvaise prise en charge par tous les anciens représentants des avocats. Un pourrissement que le nouveau bâtonnier Me Silini a dû, dès le début de son mandat, affronter. Avec ce dénouement, il aura réussi, grâce à la nouvelle perception du rôle de l'avocat qu'il incarne et sa volonté inébranlable de remettre les choses à la place qu'elles n'auraient jamais dû quitter, à passer avec brio son «baptême du feu». Le Conseil de l'ordre attendait un homme de sa trempe depuis longtemps. Un homme intègre aux compétences avérées. Un homme à l'assurance certaine qui le laisse ouvert au dialogue. Un homme qui veut rendre à la fonction ses lettres de noblesse. La partie est loin d'être gagnée tant la dépendance à un environnement hostile est grande et le déficit cumulé insondable. D'ailleurs Me Silini n'hésite pas à solliciter toutes les bonnes volontés pour l'aider à sortir du marasme. Les magistrats qui eux-mêmes se débattent dans des problèmes de statut à réhabiliter, feront-ils l'effort nécessaire pour améliorer leurs relations avec les avocats? L'accord d'hier est un signe encourageant dans ce sens. Il n'en reste pas moins que les conditions d'exercice de l'avocat ainsi que celles du magistrat relèvent plus du comportement de chacun que d'un simple texte qui peut, à la faveur des forces d'inertie, être remisé aux «oubliettes». Un point sur lequel le bâtonnier ne badine pas, lui qui nous a confié qu'il allait, en parallèle, réactiver le conseil de discipline mis en hibernation pour cause purement électoraliste au cours de tous les mandats précédents. Une nouvelle dynamique est en vue. Au plus grand bénéfice des robes noires en particulier et par voie de conséquence de toute la justice de notre pays.