Les membres du barreau d'Alger ont décidé de boycotter toutes les audiences des tribunaux jusqu'à samedi prochain. Rien ne va plus pour les robes noires. Monté au créneau, le conseil de l'ordre des avocats du barreau d'Alger a décidé d'une action de protestation d'envergure pour dénoncer les mauvais traitements dont sont victimes ses membres dans l'exercice de leur mission. S'élevant contre les multiples entraves au droit de la défense, les humiliations et l'arrogance des personnels des tribunaux, il n'a pas trouvé mieux pour exprimer son ras-le-bol que de lancer un appel au boycott des audiences publiques. Effective depuis hier, cette “grève” se prolongera jusqu'à samedi prochain. “Nous n'avons pas de revendications salariales. L'avocat se plaint des difficultés qu'il rencontre dans la préservation du droit à la défense du justiciable”, explique le bâtonnier, Me Sellini. L'engagement d'une telle action de protestation a été pris, lundi dernier, lors d'une assemblée générale qui a réuni les membres du barreau au siège de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Rassemblés hier au siège de la cour d'Alger, les avocats sont venus nombreux pour faire montre de leur grande mobilisation. “ça ne peut plus continuer. Du président du tribunal au factotum, personne ne nous respecte”, s'est écriée une avocate. Pour le bâtonnier, il est par exemple inacceptable qu'un avocat soit traité comme un simple visiteur et se fasse limiter l'accès au tribunal. “On l'astreint à des jours de réception qui ne dépassent pas une journée ou une demi-journée dans la semaine”, dénonce-t-il, outré. Me Sellini relève, par ailleurs, le pouvoir abusif des magistrats qui peuvent interdire aux avocats, aux jeunes notamment, d'assister à une instruction. “Il est même donné aux greffiers la possibilité de renvoyer la défense et l'empêcher de consulter les dossiers”, a-t-il ajouté. Pour le bâtonnier, ce sont autant de “coupes sur le droit de la défense” qui discréditent davantage l'appareil judiciaire. Aussi, en initiant un tel mouvement de protestation, le bâtonnat d'Alger entend alerter surtout l'opinion publique sur ce grave dysfonctionnement. Quant aux pouvoirs publics, la détresse des avocats ne semble pas les émouvoir outre mesure. C'est du moins ce qu'affirme Me Sellini en rappelant qu'une action du même genre a été initiée l'année dernière sans trouver d'écho auprès des autorités. Les robes noires avaient à la même période boycotté les audiences du tribunal criminel, en vain. “Au lieu de prendre en charge nos revendications, on fait de la surenchère”, a soutenu le bâtonnier. A ce sujet, il a dénoncé l'absence d'un quelconque travail de coordination entre les chefs de cour et les barreaux. Selon notre interlocuteur, la cour d'Alger en pâtirait plus que les autres. Pour autant, les autres cours du pays ne sont pas mieux loties. Dans une motion de soutien qu'ils ont envoyée à leurs confrères de la capitale, les avocats des barreaux de l'Est et de l'Ouest se déclarent solidaires. Passeront-ils à leur tour à l'action ? Une action d'envergure nationale est-elle prévue ? Le bâtonnier d'Alger organise ce matin une conférence de presse au tribunal de Sidi M'hamed. Il répondra sans doute à cette question. S. L.