La sécheresse a fait monter les prix du mouton comme à la Bourse. Le prix du mouton à sacrifier passe d'abord par le sacrifice de bien de projets. Comme chaque année, il dépasse l'entendement et le même scénario se vérifie, hélas, à Alger comme dans tout le pays, d'est en ouest et du nord au sud comme le confirment tous nos correspondants régionaux de Tizi Ouzou, Bouïra, Chlef, Constantine, Béjaïa...pour ne citer que ces pôles urbains importants où les prix atteignent les 36.000DA. La tournée que nous avons menée dans les différents souks improvisés pour la circonstance dans la capitale, nous apprend que les prix varient entre 19.000DA (un agnelet!!) et...36.000DA la tête, voire 45.000 et plus pour des béliers mastodontes qui s'apparentent à de jeunes veaux. La vente au poids à quelque 500/650DA/kg, attire certes une certaine clientèle. Mais faut-il encore se méfier, avertit un connaisseur, qui affirme que le mouton est parfois «gavé» d'avoine et de sel et ensuite d'eau pour peser quelques kilos en plus et valoir une poignée de dinars en sus. Le prix élevé du cheptel ovin, cette année, tente de nous expliquer un maquignon bien au fait des affaires, est dû, bien sûr, à la sécheresse qui a sévi pendant plus de quatre mois. Son alimentation régulière est devenue difficile du fait de l'absence d'aires pastorales fournies contraignant ainsi les éleveurs à se rabattre sur les denrées réservées normalement aux poussins, et de fourrages conditionnés cédés à un prix relativement élevé. Certains honnêtes revendeurs affichent, cependant, leur fierté de nourrir la nuit leurs bêtes avec du son, du foin et de l'orge, un menu de qualité pour leurs moutons qui ne sont abreuvés qu'au petit matin. A propos d'alimentation des bêtes, la botte de foin de 20/25kg, coûte 700 à 800DA contre 600 à 650DA au prix de gros sans compter son transport. De petites bottes de foin de 2 à 3kg sont proposées entre 30 et 50DA pour «dépannage», le temps de transporter le mouton d'un point à un autre. Citons, pour la petite histoire, qu'un quadrupède a été vendu exceptionnellement à 70 millions de centimes, la semaine dernière, à la bergerie privée d'El Harrach dite des «5 écuries», (ex-Louis Fernand), gérée depuis un demi-siècle par Taïbaoui et Chekouane. Ce bélier de «combat», aux cornes impressionnantes en tire-bouchon, a été vendu à des «managers» de duels ovins d'Annaba, ville renommée avec Béjaïa, Biskra et certains quartiers de la capitale (Soustara, Hussein Dey). Ces villes sont infestées par de véritables bookmakers qui contrôlent des paris qui rapportent gros aux organisateurs. Ce jeu appelé la «degua», prend l'allure de véritables tournois entre quartiers d'abord, ensuite en interrégion, qui drainent de nombreux amateurs, le tout accompagné de ghaïta pour donner des airs typiquement festifs à des villes en mal d'urbanisation. Comme à chaque Aïd El Adha, les moutons envahissent les villes...Serions-nous tous devenus des bergers? La question mérite d'être posée au vu de la réalité du jour qui donne à la cité un cachet de grande bergerie. Des communes ont réservé des endroits précis pour la revente mais certains pseudomaquignons et revendeurs occasionnels se sont carrément installés dans des locaux commerciaux ou dans les cours des cités résidentielles sans être nullement inquiétés par les autorités locales. Le citoyen, quant à lui, reste (comme toujours) coincé entre sa foi, faire plaisir à ses enfants et sa maigre bourse qui ne cesse d'être sérieusement malmenée et saignée par trop d'événements heureux successifs...les vacances d'été, la rentrée scolaire, le Ramadhan, l'Aïd El Fitr aujourd'hui l'Aïd El Adha et qui ne saura digérer ni le mouton, ni les augmentations récentes du gaz en bouteille, ni le transport et ni la dernière flambée des mercuriales en attendant d'autres augmentations «promises»...