C'est en fait une suite logique des années de paix sociale déguisée à laquelle goûtait sans relâche le Palais royal. Le Palais royal est, désormais, dans une véritable fournaise. Environ deux mille Marocains, qui ont répondu à l'appel d'une douzaine de partis de gauche, ont manifesté, hier, à Rabat. L'appel semble être bien accueilli. Ils sont décidés, ainsi, à joindre les actes à la parole afin de réclamer un meilleur pouvoir d'achat et dénoncer la cherté de la vie. Une rébellion qui ne peut signifier qu'un ras-le-bol généralisé, effet direct d'une politique de fuite en avant. La manifestation s'est déroulée dans une des principales artères de la capitale et a vu la participation significative des membres de l'Association indépendante des droits humains (Amdh). Tous se disent prêts à monter au front pour faire valoir les droits sociaux les plus élémentaires des Marocains. «Augmentez nos salaires, assez de privatisations» ou «Ne touche pas à mon pain», ont scandé les manifestants. La foule scandait tous les slogans sans aucune gêne. C'est, en fait, une suite logique des années de paix sociale déguisée. La foule a affiché, ouvertement, un antagonisme avéré à l'encontre du gouvernement. Les premières réclamations jugées d'urgence; «diminuer les prix de certains produits dont l'eau et l'électricité». Un fait qui explique un pouvoir d'achat au-dessous des normes. L'Association marocaine des droits humains a, notamment, dénoncé cette «facturation excessive» de l'eau et de l'électricité. Cette tempête, auparavant secrète, qui traverse les relations gouvernés-gouvernants marocains est loin d'être un simple jeu de rue. Les précédentes hypothèses d'une révolte qui se préparait au Royaume viennent d'être confirmées. «Nous avons manifesté pour défendre les droits économiques et sociaux des citoyens, notamment leur pouvoir d'achat», affirma Abdelillah Ben Abdessalam, un responsable à l'Amdh. Les tensions pourraient rebondir rapidement si le gouvernement marocain ne décide pas de prendre au sérieux la grogne sociale. La politique du gouvernement, tournée carrément vers l'extérieur, a sérieusement dégradé le terrain social, occupé désormais par les manifestants. «Nous avons dénoncé la politique gouvernementale en matière sociale. Il faut réviser à la baisse les prix et augmenter les salaires», s'est insurgé, de son côté, Mohamed Sassi, chef du parti socialiste unifié. Cette coalition autour d'une revendication légitime risque de mettre le Palais royal dans de beaux draps. Quant aux partis politiques de la majorité et ceux de l'opposition -représentés au Parlement- ainsi que d'autres syndicats, ceux-ci n'ont pas répondu à l'appel des organisateurs de la manifestation. Ce sont ainsi les relations qui s'enveniment dangereusement entre deux entités politiques, les alliés et l'opposition du Makhzen. Quant aux responsables marocains, chargés du gros dossier social, ceux-ci continuent à rejeter les critiques des manifestants. L'un d'entre eux a tenté d'assurer que le gouvernement était en train d'oeuvrer pour le développement du pays, «notamment dans les domaines de l'habitat, des transports, de la santé, de l'emploi et de l'industrie». Chose à laquelle, faut-il le dire, les Marocains ne croient plus.