Aucune suite n'a été réservée aux déclarations gravissimes de Paul Aussaresses et consorts. Le cinquantième anniversaire de la bataille d'Alger intervient, cette année, dans une conjoncture particulière: la mort du grand réalisateur du film du même nom, l'italien Gillo Pontecorvo et surtout le refus de la France officielle de présenter des excuses officielles aux Algériens, pour les crimes avoués, perpétrés par la machine de guerre coloniale, engagée le 7 janvier 1957 par l'armée coloniale, marquant un tournant dans la guerre de Libération. Les deux principaux protagonistes de cette guérilla urbaine, qui devait durer neuf mois, furent le général Jacques Massu, commandant de la 10e division parachutiste, et Yacef Saâdi, chef militaire de la zone autonome d'Alger. Yacef Saâdi était, à Alger, à la tête d'un réseau de poseurs de bombes fabriquées par un étudiant en médecine, Abderrahmane Taleb. De janvier à mars 1957, quelque 180 attentats ont été perpétrés dans la capitale. Les bombes étaient posées dans des lieux symboliques fréquentés par la société européenne: Milk-Bar, Cafétéria, Otomatic, Grande Poste. Les premières furent placées en septembre 1956, la dernière, qui fit 9 morts, le 9 juin 1957, au Casino de la Corniche, trois mois avant l'arrestation de Yacef Saâdi. Pour le général Massu, l'enjeu était de briser les réseaux du Front de libération nationale (FLN, dirigeant du mouvement insurrectionnel) et de chasser les «rebelles» d'Alger par tous les moyens. Entre 8000 et 10.000 «paras», appelés les «léopards» à cause de leur treillis bariolé, furent déployés dans Alger, organisant un strict quadrillage de la ville, opérant des arrestations de masse, assignant des suspects dans des «centres de tri» et procédant, parfois, à des exécutions sommaires. Larbi Ben M'Hidi, capturé en janvier 1957, fut ainsi étranglé pendant sa détention, selon un aveu tardif du général Paul Aussaresses, un des principaux acteurs de la bataille d'Alger. Le général Massu a reconnu avoir autorisé la torture pour arracher des renseignements aux prisonniers. Des aveux qui seront restés sans suite, en dépit du tollé soulevé par ces déclarations gravissimes. Par ailleurs, accusé par Louizette Ighilahriz de torture, le général Marcel Bigeard, l'un des principaux acteurs de la bataille d'Alger, a, par le passé, démenti avoir usé de cette pratique, tout en la qualifiant de «mal nécessaire». Marcel Bigeard, alors colonel, dirigeait le 3e régiment de parachutistes coloniaux (RPC) et était placé sous les ordres du général Jacques Massu, commandant la 10e division de parachutistes. Louisette Ighilahriz avait mis en cause Massu et Bigeard comme les «commanditaires» du «sale boulot» commis par le capitaine Graziani. A noter qu'en pleine guerre, des civils se sont élevés contre la torture: l'ethnologue Germaine Tillion, l'historien Pierre Vidal-Naquet ou les journalistes Henri Alleg, auteur d'un pamphlet interdit La Question, et Jean-Jacques Servan-Schreiber, fondateur de l'Express, auteur de Lieutenant en Algérie, inspirateur du général de la Bollardière.