Pour beaucoup d'Algériens, le nom de Gillo Pontecorvo, mort le 12 octobre, reste lié à La Bataille d'Alger, film qui a marqué des générations entières de cinéphiles. Peut-on dire pour autant que ce cinéaste italien est l'homme d'une seule œuvre ? Non, si l'on se réfère à son parcours plein de rebondissements. Pontecorvo ne se départira d'ailleurs jamais de ses convictions politiques qu'il s'est efforcé de défendre en dépit de la censure l'ayant frappé tout au long de sa carrière. Ce diplômé de chimie rejoindra tôt les salles de rédaction mais s'en détachera aussitôt pour se consacrer au cinéma engagé. La raison en est sa découverte de Paisa, le film culte de cet autre grand cinéaste qu'est Roberto Rossellini. Après un court métrage, Pontecorvo décidera de se lancer en 1955 dans des productions plus osées et mieux élaborées. Il y fera jouer des acteurs qui deviendront les icônes incontestées du septième art, à l'image d'un Yves Montand ou de Marlon Brando. La Grande route bleue, réalisé en 1955, sera pour ainsi dire l'une d'elles. Deux ans plus tard, il réalise Kapo, œuvre controversée et dont le retentissement fut certain. Ce natif de Pise y dépeindra le parcours d'une juive qui passera de l'autre côté de la barrière en devenant l'alliée des nazis, dans un camp de concentration. Cette production fera scandale et vaudra au réalisateur les pires récriminations de Jacques Rivette, l'une des pontes des Cahiers du cinéma. Après s'être mis au vert plusieurs années, l'homme à la crinière blanche, secondé cette fois-ci par Yacef Sadi, réalisera ce film relatant cet épisode affligeant de la guerre de Libération. Le sang éclaboussait toujours les murs de la vieille Citadelle (Casbah) quand Pontecorvo installait le décor de son film. La Bataille d'Alger, film au réalisme pointilleux, connaîtra des fortunes diverses. Le réalisateur recevra le Lion d'or lors du Festival de Venise en 1966. Les Français refuseront de lui accorder un visa d'exploitation. L'administration Bush Jr, confrontée à la guérilla en Irak, s'en inspira et le projettera à ses généraux. Pontecorvo réalise en 1969 Queimada et revient, une décennie plus tard, avec un film sur le régime franquiste. Par ce film, il démontrera que la verve militante qu'on lui connaît est toujours là. Sa dernière œuvre au titre évocateur, Un autre monde est possible, consacrera l'art de cet homme toujours fidèle à ses engagements de jeunesse.