Le cinéclub de l'association “À nous les écrans” en collaboration avec l'OPCA d'Alger-Centre a proposé, jeudi dernier, aux nombreux spectateurs de la salle Ettaqafa (ex-cinéma ABC) une projection du making-off du film culte la Bataille d'Alger : chef-d'œuvre polémique devenu classique atemporel et une référence incontestée du cinéaste italien Gillo Pontecorvo. Le documentaire réalisé en 2004 par Jonas Rosales, mêle histoire, fiction, mémoire et souvenir. Une heure et demie durant, “le making-off de la Bataille d'Alger” est revenu sur les conditions de tournage du long métrage culte et non moins polémique avec des déclarations et des témoignages des principaux concernés, notamment Gillo Pontecorvo, Yacef Saâdi, Jean Martin (qui a interprété le rôle du colonel Mathieu) et l'historien Benjamin Stora. Le documentaire s'ouvre sur le témoignage de Gillo Pontecorvo qui a évoqué les conditions politiques et techniques du film. Tourné quelques mois après l'Indépendance, la Bataille d'Alger crée à sa sortie une grande polémique en France, où le film sera interdit jusqu'au printemps 2004. Cette année-là, le film obtiendra son visa d'exploitation en France et sera projeté lors du festival de Cannes. Le cinéaste a rappelé que la majorité des comédiens et figurants étaient des non-professionnels. De son côté, le révolutionnaire et un des acteurs principaux du film,Yacef Saâdi, dont le film a été adapté de ses Mémoires, a parlé de la “démystification de l'histoire” à travers la fiction et les symboles. Cette projection a aussi permis de découvrir et d'écouter le témoignage de Jean Martin, le comédien belge qui a campé le rôle du colonel Mathieu : un personnage fictif qui porte en lui et rassemble toutes les contradictions de l'armée coloniale. Son intervention a révélé son engagement politique. En effet, Jean Martin a été contre la guerre d'Algérie et a même signé le Manifeste des 121 fait à l'initiative du philosophe Jean-Paul Sartre. Aussi, le comédien qui se distinguait au théâtre et habitué au texte, vieilli, s'est-il souvenu de ses problèmes d'improvisation lors du tournage du film et de ses petits soucis avec Gillo Pontecorvo sur la question. Loin du film et de la fiction, l'historien Benjamin Stora apportera une analyse historique à la Bataille d'Alger qu'il considère “perdue militairement par les Algériens et remportée par la France à la Pyrrhus car la France a enregistré une terrible défaite morale qui a notamment divisé l'Eglise.” L'historien a aussi parlé du labyrinthe nommé Casbah, qu'il assimile volontiers à “un ghetto”, tout en insistant sur le rôle du révolutionnaire Larbi Ben M'hidi qu'il considère comme “une tête politique” et un “personnage gigantesque.” Il a été le seul à évoquer l'impact et le rôle des gens du milieu (les réseaux de proxénétisme) ainsi que celui des femmes dans la Révolution. Suite à la projection, une petite polémique a éclaté dans la salle sur le côté fiction mystificatrice du film. Un membre de l'assistance demandera même : “À qui profite le film ?” Manifestement, le film alimente encore la polémique et divise les points de vue. Le film la Bataille d'Alger est une fiction qui relève de l'interprétation et qui s'inscrit dans le devoir envers la mémoire. Mais qu'en est-il du devoir envers l'Histoire (et sa réécriture) ? La question demeure en suspens. Loin de ce mini-conflit et de cette problématique épineuse, la Bataille d'Alger est une référence et un modèle pour tous les peuples qui entament un processus de libération. C'est un film mythique qui a apporté un peu de soleil sur un petit coin de terre, La Casbah qui s'est soulevée et rebellée un jour, par ses petites gens, contre l'injustice. Sara Kharfi