Ahmadinejad qui a pris son bâton de pèlerin, rameutant les derniers amis de Téhéran, fait escale aujourd'hui à Alger. Dans un Moyen-Orient aujourd'hui cadenassé par les Etats-Unis qui, outre l'occupation de l'Irak, y ont rassemblé un formidable arsenal militaire, l'Iran, qui échappe à la mainmise américaine, y constitue la fausse note que Washington tente, vaille que vaille, de rectifier. Le contentieux américano-iranien est, en vérité, très, très lourd et a ses fondements qui remontent à la chute du Shah d'Iran, Mohamed Reza Pahlavi. Par ses capacités pétrolières qui lui permettent de peser sur les cours du pétrole, matière stratégique et vitale pour les Etats-Unis, en poursuivant un programme nucléaire controversé, condamné par l'Occident et Washington mais qu'autorise paradoxalement le Traité de non- prolifération nucléaire (TNP) que les visites d'inspection des inspecteurs de l'Aiea (Agence de sécurité nucléaire de l'ONU) n'ont décelé aucune entorse au TNP et que, jusqu'à preuve du contraire, le programme nucléaire iranien est bien un programme civil comme ne cesse de l'affirmer Téhéran. Toutefois, ces garanties ne semblent nullement satisfaire les Etats-Unis et l'Union européenne qui attendent de Téhéran l'arrêt total, pur et simple, du dit programme. L'arrestation à Erbil et à Baghdad, ces derniers jours, de diplomates iraniens, accusés par Washington d'être des espions à la solde de l'Iran et des instructeurs de la rébellion irakienne, le renforcement annoncé mercredi par le président Bush de l'arsenal militaire américain dans le Golfe arabo-persique, auront autant contribué à détériorer des relations américano-iraniennes gelées depuis 1979 et l'arrivée des mollahs au pouvoir à Téhéran. Autant dire que l'Iran, depuis lors dans le collimateur américain, se trouve, aujourd'hui, encerclé de toutes parts par la puissance de son alter ego américain. La tournée latino-américaine du président iranien Ahmadinejad, participait, notamment, à desserrer l'étau qui se resserre sur son pays, d'une part, à renforcer les liens avec des pays défendant la même philosophie que l'Iran quitte - pour ce faire pour un islamiste pur et dur comme Mahmoud Ahmadinejad - à faire alliance avec un ex-marxiste de la trempe du président nicaraguayen, Daniel Ortega, dont il était l'hôte hier. Mais c'est à Alger, où il fera escale aujourd'hui, que le président iranien espère trouver l'aide à même de permettre à son pays de relâcher l'étreinte qui l'étouffe. D'autant plus qu'Alger entretient de bonnes relations tant avec Washington qu'avec Téhéran, outre le fait qu'Alger a l'oreille des Américains qui n'oublient pas qu'en 1980 c'est la diplomatie algérienne qui a fait libérer les otages de l'ambassade américaine à Téhéran. Cependant, il est séant de se demander quel rôle l'Algérie pourrait jouer dans un différend américano-iranien qui semble bien avoir dépassé depuis longtemps le point de non-retour. Il est évident, toutefois, que M.Ahmadinejad trouvera une oreille attentive à Alger qui, si elle ne partage pas toutes les initiatives de Téhéran et désapprouve ses tentatives d'exporter la révolution islamique - comme le soutien apporté à l'insurrection islamiste en Algérie dans les années 90-, il n'en reste pas moins que les liens tissés de longue date ente les deux pays, l'intercession de l'Algérie en 1975 dans le conflit frontalier, entre l'Irak et l'Iran (résolu par la signature à Alger de la paix entre les deux grands pays du Moyen-Orient), la vision identique qu'Alger et Téhéran partagent quant à la gestion des hydrocarbures et au droit des pays de l'hémisphère Sud d'accéder à la maîtrise nucléaire, sont autant de points de rapprochement qui explicitent, en partie, certes, une escale algéroise de laquelle M. Ahmadinejad semble attendre beaucoup. En fait, acculé, l'Iran cherche à casser l'embargo et l'exclusion occidentaux dont il est l'objet en rassemblant les amis de l'Iran, à leur tête le Venezuela du président Hugo Chavez, dont les politiques pétrolières, sinon anti-américaines, sont en phase avec la diplomatie développée ces dernières années par l'Iran.