Les «consignes aux voyageurs», l'équivalent du «travel warning» américain, mettent aussi en garde les ressortissants français vivant en Algérie. «Nous prenons les menaces terroristes très au sérieux, d'où qu'elles viennent. Comme vous le savez, les autorités françaises sont très vigilantes et mobilisées pour prendre en permanence toutes les mesures nécessaires face à ce type de menaces. Comme vous vous en doutez, nos services suivent de très près tout ce qui concerne le Gspc et tout ce qui concerne l'activité de ce type de groupes, mais je ne peux pas en dire plus. Quant à l'Algérie, il y a un site qui donne des conseils aux Français d'Algérie comme aux autres. A ma connaissance, il n'y a pas eu de modification récente des consignes données aux Français en Algérie». Tels ont été les propos du président français Jacques Chirac, répondant à une question relative à l'ampleur de la menace du Gspc sur les ressortissants et les intérêts français. Et c'est aussi une des conséquences du dernier enregistrement vidéo du Groupe salafiste. L'ambassade de France à Alger a tôt fait de relayer cette menace contenue dans un enregistrement vidéo attribué au Gspc qui contiendrait, lit-on, «de nouvelles menaces contre les autorités algériennes, mais aussi contre les intérêts étrangers, notamment français, en Algérie». C'est là le message fondamental véhiculé par «les consignes aux voyageurs» l'équivalent du «travel warning américain», diffusé récemment par l'ambassade de France en Algérie. Celle-ci pense que cet élément (l'enregistrement vidéo, ndlr) conduit à «renouveler les consignes de grande prudence et de vigilance déjà réitérées en décembre dernier». Mais c'est sur le sol français que les consignes de sécurité sont émises avec le plus grand sérieux dans le suivi et dans l' application, à moins de trois mois de l'élection présidentielle. Avec ceci en ligne de mire: tous les Algériens présents sur le sol français seront rigoureusement surveillés. Question de sécurité intérieure pour les uns, de mise à profit d'une peur diffuse qui ferait voter les électeurs pour le candidat le plus ferme en matière de sécurité intérieure, pour les autres. Les notes intérieures de la DST et de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) viennent encore confirmer que la France fait réellement face à une «menace sérieuse». Dans la foulée, Paris a demandé, il y a plusieurs mois à Alger, de lui donner le nom des 2629 amnistiés islamistes, libérés ou exemptés de poursuites judiciaires, dans le cadre de la réconciliation nationale, de crainte de voir ces islamistes transposer le djihad sur le sol français. Cette crainte est prise au sérieux, notamment après la récente collusion entre le Gspc et l'organisation Al Qaîda, et l'avertissement donné par celle-ci de frapper les Américains et les Français par le biais du Groupe salafiste algérien. Dans son enregistrement daté du 11 septembre 2006, Ayman al-Zawahiri a demandé au Gspc, d'être «un os dans la gorge des croisés américains et français», de semer la peur «dans le coeur des traîtres et des fils apostats de France» et d'écraser «les piliers de l'alliance croisée». Avec l'exécution de Saddam Hussein, ressentie par les populations locales, comme une grave atteinte aux sentiments de la communauté musulmane, un véritable climat délétère «préterroriste» semble régner, exacerbant suspicions et animosités entre musulmans et l'Occident. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, dont le ralliement à Al Qaîda a été annoncé par Abdelmalek Droukdel, le 11 septembre dernier, pourrait constituer, désormais, une menace sérieuse aussi bien pour les Etats-Unis que pour la France, après les avertissements publics d'Ayman al-Zawahiri, de frapper «les croisés américains, français et leurs alliés». L'obédience à Al Qaîda affichée par le chef du Gspc dans un de ses derniers communiqués disait: «Nous prêtons allégeance à cheikh Oussama Ben Laden (...). Nous poursuivrons notre djihad». «Tout en décidant de rallier Al Qaîda et de prêter allégeance à Ben Laden, nous conseillons à nos frères de tous les autres mouvements jihadistes, partout dans le monde, de ne pas manquer cette union bénie (...) L'Organisation d'Al Qaîda est la seule habilitée à regrouper tous les moudjahidine, à représenter la nation islamique et à parler en son nom», ajoute l'émir du groupe qui considère, fait paradoxal, non plus les Etats-Unis, mais la France comme son «ennemi n°1». Certains spécialistes ont même avancé l'hypothèse que l'idée d'inclure la France dans l'«axe du mal» provient de Droukdel et non pas de Zawahiri.