Le Festival du documentaire sur l‘histoire coloniale Confluences tenu à Paris, a consacré le week-end à la Guerre d'Algérie. Les deux journées ont été animées par l'historien Benjamin Stora et les cinéastes Yves Boisset et Costa Gavras. Des débats, parfois passionnés, ont suivi les projections du film de Philippe Alfonsi et Stora Les années algériennes, de Algérie été 62, l'indépendance à deux visages, également de Stora en collaboration avec M Meurice, puis La Bataille d'Alger le documentaire de Yves Boisset et enfin Mon colonel de Costa Gavras. Dans la salle, qui n'a pas désempli toute la journée, des jeunes Français et Algériens, quelques pieds-noirs mais aussi des porteurs de valise comme Mme Jeanson, ont témoigné pour certains et questionné pour d'autres. Boisset a expliqué à l'assistance que l'idée de son documentaire est venue d'une rencontre avec «une poseuse de bombes» de la Zone autonome d'Alger. Dans un récit croustillant concernant les conditions du tournage du film, le cinéaste reviendra souvent sur la complexité de travailler sur cette période de l'histoire des deux pays. Il fallait écouter les gens, les militaires français, qui assuraient, selon leur conviction, le maintien de l'ordre «même si rien ne justifie à mes yeux la torture. J'ai essayé de faire un récit honnête, pour essayer d'approcher ce qui pourrait être le visage de la vérité». A une question sur les victimes civiles qui ne sont pas suffisamment reconnues selon une intervenante, Benjamin Stora répondra qu'à l'époque et après-guerre, le débat portait plutôt sur l'utilisation de la torture et que ce n'est qu'à présent que l'on aborde d'autres aspects. Il rappellera, néanmoins, qu'entre septembre et janvier 1957, 3027 Algériens ont disparu au cours de ce qui fut appelé la bataille d'Alger. A propos de cette bataille justement, M.Merdaci, universitaire algérien, présent dans la salle, remettra les pendules à l'heure en quelque sorte, soulignant que cet épisode n'est pas la Guerre d'Algérie. Le FLN a été défait à Alger par la torture mais la guerre n'a pas cessé pour autant dans toutes les autres wilayas. La Bataille d'Alger est, en outre, «le récit héroïque de l'armée française». En d'autres termes l'armée coloniale a voulu faire croire que la résistance a été vaincue à Alger et le FLN démantelé alors que ce n'était qu'une bataille dans la guerre de Libération. Benjamin Stora a appuyé ces propos en qualifiant le fait de «victoire à la Pyrrhus» pour l'armée française car elle a entraîné une grave crise politique et morale et a précipité la chute de la Ve République surtout après les livres - dont celui de Henri Alleg La Question - révélant la torture contre les Algériens. «C'était une victoire militaire mais pas politique», ajoute Stora. A un «ancien d'Algérie» qui a tenté d'expliquer que la répression dans la Casbah au cours de cette bataille d'Alger était une réaction au terrorisme du FLN, Stora réplique «on ne va pas ressasser les enjeux de la guerre et en débattre les différentes facettes, pour moi il est essentiel de revenir au début de l'histoire, à savoir la présence d'un système colonial fondamentalement inégalitaire, un système fondé sur les spoliations et la répression».