Pour la droite française, le problème du passé colonial est une mise en scène destinée à jeter de la poudre aux yeux. On peut rester sidérés devant cette habitude de la droite française à distribuer des pardons tous azimuts à tous les peuples sauf aux Algériens! aux Juifs, aux Arméniens, mais dès qu'il s'agit du passé colonial de la France en Algérie, un pays où des atrocités énormes et des crimes contre l'humanité ont été commis, la droite se cabre, comme gênée aux entournures. Passe que les histoires de repentance sortent du nez à un Le Pen connu pour son passé de tortionnaire à la villa Susuni, sur les hauteurs d' Alger, mais que dire des personnalités de premier plan comme Douste-Blazy, maire de Toulouse et ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac. Ce dernier, qui est l'initiateur, avec le président Bouteflika, de l'idée d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie, pour la promotion d'un partenariat d'exception, s'est heurté à une large partie de sa majorité présidentielle, sur le dossier de la loi du 24 février 2005 sur le prétendu rôle positif de la colonisation en Afrique du Nord. Jacques Chirac voulait que ce traité soit comme celui signé entre la France et l'Allemagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sauf que l'Allemagne avait, d'une façon magnanime, reconnu ses erreurs, alors que la France de droite n'a pas eu cette élégance. A première vue comme ça, on peut ne pas comprendre, à partir d'Alger, un raidissement de la part de la partie française; que se passe-t-il donc, pour que la France, qui gagnerait à faire la paix avec sa mémoire et son passé colonial, sorte de ses gonds dès qu'on lui parle de repentance, voire de pardon? Lorsqu'on y regarde de près, on voit bien que la droite française a un problème avec sa mémoire. Autant pour des raisons de cuisine interne que pour des raisons de politique extérieure. Sur le plan interne, la droite doit gérer les pressions des pieds-noirs, des harkis, des anciens de l'OAS, des anciens combattants d'Algérie...Tout en gérant cette importante communauté émigrée d'origine algérienne, voire maghrébine. Il y a donc tous ces problèmes d'intégration qui sont difficiles à gérer, avec les émeutes dans les banlieues, la fièvre du chômage, le racisme au quotidien pour cause de faciès, la montée du Front national à chaque nouvelle élection, notamment présidentielle. Sur le plan externe, la France officielle doit donner le change: en demandant pardon aux Arméniens pour le soi-disant génocide commis par la Turquie, la France de Douste-Blazy veut montrer au monde qu'elle est la patrie des droits de l'homme. L'entourloupette est tellement bien réussie, que la diplomatie française accompagne une telle comédie par le dépôt de gerbes de fleurs, la coupure de rubans, l'inauguration de mémorial, la plantation d'arbre du souvenir. La mise en scène est si bien astiquée qu'il n'y a rien à ajouter. On va plus loin dans le souci du détail: l'Assemblée nationale française vote une loi qui condamne à la prison quiconque ose remettre en cause l'existence du génocide arménien. Le même Parlement ne se gêne pas pour adopter la loi du 24 février 2005; quitte à se dédire quelques mois plus tard en votant à la hâte sur proposition de Chirac lui-même (par l'intermédiaire de Jean-Louis Debré) la suppression de l'article 5 de ladite loi qui a fait scandale de ce côté-ci de la Méditerranée.