L'hygiène est-elle le dernier des soucis du citoyen? L'hygiène est apparemment la grande inconnue chez nous. Dans les actes de la vie courante, on rencontre des choses qui révulsent le corps. L'estomac se noue et le coeur a des «nausées» devant certains spectacles devenus, hélas, courants. Comment dire sa réprobation devant le pâtissier qui vous sert avec des ongles repoussants et devant ce coiffeur qui ne prend même pas la peine de stériliser son matériel ou encore devant ce serveur de restaurant qui s'entête à vous réciter le menu du jour alors qu'il se «nettoie» sans vergogne le nez devant vous? Virée au pays de la saleté. Les familles algériennes sont propres, cela est dit avec fierté et sans aucun complexe. Les appartements sont généralement nickel, les ménagères se décarcassant pour faire de leur foyer un véritable havre de paix où le moindre grain de poussière est immanquablement pourchassé. Mais en sortant de l'appartement, juste sur le palier, des tas d'immondices sont jetés çà et là et personne ne semble s'offusquer devant le spectacle désagréable des ordures jonchant les cages et trônant souvent dans des sachets noirs éventrés et laissant apparaître, entre les reliefs peu ragoûtants des repas, d'autres détritus qui soulèvent le coeur. La saleté est dans nos appartements Les escaliers de nos bâtiments ne sont jamais propres et les poussières qui s'amoncellent, se transforment l'hiver venu, en un champ de boue. Devant nos cités c'est tout juste si on ne peut pas dresser un panneau: «Décharge publique». Les ordures, là non plus, ne sont pas rares, bien au contraire, sans parler de ces trous remplis d'eau stagnante qui se transforment en «fermes d'élevage» pour moustiques et autres insectes. Les sachets pleins d'ordures et autres immondices jetées un peu n'importe où, agressent la vue et les murs, devenus orphelins de peinture, s'écaillent doucement et se revêtent d'une épaisse couche de saleté qui ne semble pas déranger grand monde. En ville, le spectacle est des plus éprouvants. D'abord, il y a lieu de signaler que les trottoirs ne sont jamais lavés. Il fut un temps où la ville d'Alger par exemple, voyait ses rues et avenues lavées à grande eau. Donc dans nos rues, c'est le navrant spectacle des déchets et autres papiers qui sont jetés n'importe où et n'importe comment. II est vrai que nos villes et villages ne possèdent que de rares poubelles où le citoyen peut jeter ses papiers et autres détritus, aussi c'est carrément dans les caniveaux que les gens pressés jettent leurs mégots ou tabac à chiquer en passant par les papiers et autres sachets en plastique. Nos cafés ne sont pas à la traîne, bien loin de là! Devant le comptoir, le garçon souvent en tenue repoussante vous interpelle et vous demande ce que vous voulez prendre tout en triturant un tissu proche de la serpillière que du chiffon pour nettoyer le comptoir. Au restaurant ou du moins à la gargote du coin, le serveur prend votre commande tout en se triturant le nez et on n'a pas à faire de réflexion. Nos marchés, surtout dans les petites villes, sont de véritables arènes de motocross où la boue se dispute l'espace avec la saleté, une saleté rarement pour ne pas dire jamais nettoyée. A titre d'exemple, on prendra ce marché informel de Draâ Ben Khedda, dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui est installé sur les rails de la Sntf et qui est une véritable insulte à l'homme. Les tas d'immondices s'empilent au nez et à la barbe des autorités qui semblent dépassées par ce phénomène. Pourquoi oublier les lieux publics comme les hôpitaux et les administrations où les mégots de cigarettes et autres immondices jonchent le sol et, la cerise sur le gâteau, ces colonnes de cafards qui se promènent allégrement devant les yeux, désormais bien habitués, des malades et autres usagers des services publics. Comment aussi oublier que souvent et devant nos écoles, ce sont des tas de feuilles déchirées qui s'entassent attendant que le vent les emporte au loin. Si on traverse une région et que ce soit au sud ou au nord, à l'est comme à l'ouest, on a intérêt à fermer la vitre et essayer de ne pas contempler les paysages qui sont, certes, très beaux mais que les hommes ont avilis! Si cela pouvait s'arrêter au niveau de ces «attentats» à l'environnement on pourrait comprendre et essayer d'attendre que, demain, les gens se réveillent, mais il semble bien que le mal est profond. Jusqu'au président de la République qui a reconnu que «nos villes et villages sont sales», il faut peut-être circuler à l'intérieur des terres pour se rendre compte combien nos ravins et autres forêts regorgent de vieux sachets en plastique et de bouteilles jetées ici et là, et constituant un véritable danger pour nos forêts. Un tesson de bouteille faisant loupe et un incendie est vite parti. Nos oueds, également, ne sont pas en reste. Ainsi, et pour ne prendre que l'exemple de l'oued en contrebas du CW128 menant de Tizi Ouzou à Boghni, on peut constater que plusieurs bars-drivers sont installés de façon sauvage sur les rives et les sachets, les papiers et autres tessons de bouteille s'y entassent allègrement. Devant l'avancée des détritus qui menacent d'asphyxier les villes et villages, la question qui se pose est de savoir si les communes et autres institutions chargées du nettoiement ont les moyens pour ce faire. Certes, des camions-bennes souvent flambant neufs sont visibles mais, contactés des APC disent que «cela reste nettement insuffisant!» La vérité est que nos éboueurs, mal payés et souvent même pas transportés et surtout n'ayant aucune prime, sont las d'attendre une fin de mois squelettique et, souvent, ces pères de famille sont dans l'obligation de chercher un autre emploi afin de boucler leurs maigres budgets. Le matériel est assez peu fourni, les balais sont faits, certes, par les balayeurs, notamment dans beaucoup de villes en Kabylie, mais les brouettes et autres engins sont à peine existants. Aussi, les ordures sont-elles généralement enlevées pratiquement en surface et le reste, tout le reste est laissé en place. Les travaux entrepris, ici et là, et justement après «par exemple que l'on ait refait les trottoirs, on laisse durant des jours si ce n'est des semaines, les gravats sur les lieux formant, ainsi, de véritables obstacles causant souvent des accidents aux piétons, faute de trouver de la place sur les trottoirs? Des trottoirs squattés par les marchands de l'informel pour une partie et aussi par cette habitude des commerçants qui font de chaque bout de ces lieux des vitrines, donc ces piétons envahissent à leur tour la chaussée et vogue la galère....Demander aux mairies et notamment au service de la voirie de nettoyer est une hérésie. D'abord, nos communes, notamment les rurales, semblent ne pas avoir de moyens pour le faire, ensuite les agents blasés vous disent: Pourquoi se fatiguer puisque quelques minutes plus tard cela redeviendra pire qu'avant.» Une réflexion qui nous a été faite par plusieurs éboueurs. Plus que cela, dans nos structures de santé ou du moins en certaines d'entre elles dont nous tairons les noms, les couloirs et les murs repoussants de saleté arrachent un rictus aux malades et aux accompagnateurs. Espace non-fumeur et cendriers Certes, dans les salles d'attente de nos médecins, des affichettes sont placardées sur les murs et portent «Défense de fumer» ou «Espace non fumeur», mais le moyen de faire respecter cela par les malades est inexistant. Aussi, de guerre lasse, les médecins ont-ils fini par proposer des cendriers dans les salles d'attente. Evoquer les cabinets médicaux et passer sous silence les autres lieux telles les écoles, serait des plus difficiles. En effet, dans nos écoles, des enseignants, notamment du primaire se permettent de...fumer dans les classes, faisant subir le tabagisme passif aux élèves. Ces attaques contre l'environnement sont légion, elles vont du boulanger qui triture la baguette de pain avec ses mains aux ongles noirs de saleté, au serveur de gargote qui se triture le nez en prenant votre commande. Bref, les choses au lieu de s'améliorer vont doucement en s'empirant. Si l'estomac se révulse et si l'on fait cette remarque, on passe pour un douillet et pour quelqu'un qui «se la joue» comme disent les jeunes gens. L'environnement semble, donc, être le dernier des soucis de nos marchands et de nos administrations, y compris de ces jeunes policiers qui ne manquent pas de se présenter devant le citoyen la cigarette aux lèvres. Les moyens existent, car il ne faut pas être Crésus pour être propre. Un balai, une pelle et souvent faire quelque peu attention et le tour est joué. Mais encore faut-il que chacun de nous essaie de comprendre que l'environnement est l'affaire de tous.