La journée de jeudi a été caractérisée par la présentation à la barre de deux responsables de caisses. Le procès de l'affaire Khalifa, qui se tient au tribunal criminel de la cour de Blida, a touché, jeudi, son premier mois. Après l'audience remarquée de M.Medelci, ministre des Finances, le procès aura un autre moment de forte intensité avec l'entrée en jeu de deux autres gros calibres, dès ce samedi. Il s'agit de Soltani Boudjerra, ministre d'Etat et Sidi-Saïd, secrétaire général de l'Ugta. Pour le premier, il apportera son témoignage relatif au dépôt des différentes caisses d'ordre social (Cnas, CNR, Cnac...) à la banque d'El Khalifa, en sa qualité d'ex-ministre du Travail, et le second pour le dépôt de 8 milliards de dinars, en tant que président du conseil d'administration de la Cnas, poursuivi pour le dépôt, de son côté, de 10 milliards de dinars. La journée de jeudi a été caractérisée par la présentation à la barre de deux responsables de caisses dont les cotisations proviennent de simples fonctionnaires. Le premier à être entendu est M.Djdidi Toufik, ancien directeur de la Caisse nationale des retraites, agence d'Oum El Bouaghi. Pour ce dernier, tout se conjugue à la première personne du singulier: «J'ai préféré faire ceci, j'ai décidé de faire cela, j'ai...» En le voyant parler de cette manière, la juge l'interrompa et lui lança avec un air caractérisé par l'énervement: «Franchement, on a l'impression que l'argent de la CNR vous appartient.» «Bon, parlez-nous de vos rencontres avec Baïchi, responsable à Khalifa, et les garanties qui vous ont été proposées par Khalifa Bank», ajouta la présidente du tribunal. L'accusé répondra qu'il avait rencontré Baïchi plusieurs fois et que c'est ce dernier qui lui avait présenté les garanties relatives à la solvabilité de la banque. «Quelles étaient donc ces garanties qui vous avaient permis de déposer en toute quiétude l'argent des malheureux retraités dans une banque privée?» Djdidi dira qu'il y avait plusieurs garanties prouvant la crédibilité du groupe Khalifa. Pour le coincer et lui montrer qu'il n'avait pas à agir de la sorte, la juge lui demanda des informations relatives à son niveau d'instruction. L'accusé répondra avec célérité: «Je suis licencié en mathématiques, madame.» «Ah, raison de plus. Vous êtes matheux en plus de cela. Quelqu'un comme vous est censé être très logique dans ses agissements.» La juge enchaîna: «Quel est le montant déposé par votre agence à Khalifa Bank?» L'accusé répondit: «J'ai déposé, le 16 juin 2001, 40 milliards de centimes pour ensuite arriver au montant global de 120 milliards de centimes» et ce, tout en insistant sur le fait que les taux d'intérêts étaient négociés à 12%, représentant concrètement la somme de 85 milliards de centimes. L'accusé dira aussi qu'il avait avisé ses responsables quant au dépôt. L'accusé reconnaît, par ailleurs, que toute la somme déposée n'avait pas été récupérée. «Ni le montant placé ni les intérêts n'ont été récupérés», avouera-t-il. «Avant Khalifa Bank, notre argent était déposé à la BEA et à la Badr. Toutefois, ces deux banques avaient annoncé à un certain moment que leurs taux d'intérêts appliqués étaient descendus jusqu'à 2%.» «Ce sont ces causes qui m'avaient poussé à déposer au niveau de la banque d'El Khalifa», dira-t-il. Par ailleurs, l'accusé a reconnu avoir bénéficié de cartes de gratuité au nombre de cinq pour lui et sa famille. «En juin 2001, j'avais effectué le voyage Constantine-Alger-Constantine, deux fois aller et retour avec ma famille.» La juge ajouta: «Qu'en est-il de vos déplacements à l'étranger et des frais de mission accordés par la CNR, lors de vos déplacements?» Il lui fera savoir qu'il ne prenait pas de frais de mission relatifs, notamment à la billetterie d'avion, du moment qu'il était pris en charge par l'ex-compagnie aérienne Khalifa Airways. Il avoua, par ailleurs, mener des déplacements à Paris, mais qui étaient, selon lui, payés sur son argent personnel du moment que la visite en France s'effectuait dans un but médical. «Parlez-nous de cette histoire des deux voitures», lança la juge. L'accusé lui expliqua que les deux véhicules cités par la juge étaient de marque Toyota (Echo et Corolla) et qu'il les avait acquis à la suite d'un achat par facilités, dont le premier versement avait été de l'ordre de 450.000DA. «Si vous étiez à la Cnep pour un achat de véhicule par facilités, est-ce pareil?» L'accusé répondra qu'il y a tout un dossier à fournir. En le voyant incapable de donner la moindre preuve relative à l'achat par facilités de ces deux véhicules, la juge le fustigea: «C'est un cadeau! Allez-y, dites-le. Soyez quand même reconnaissant.» Le procureur général intervint, par la suite, dans le but d'avoir des explications sur le recrutement de quatre des neveux de l'accusé par le groupe Khalifa. Prenant la parole, l'avocat de la Caisse des retraites (CNR) voulait savoir si M.Djdidi Toufik avait informé la direction générale de cette caisse quant aux sommes déposées, en tirant la sonnette d'alarme au moment du début de la faillite de la banque d'El Khalfia. «Non, toutefois, je les ai informés qu'il y avait des créances vis-à-vis de cette banque.» Cette réponse n'a pas laissé indifférent le procureur général qui posa une question pertinente à l'accusé. «Pourquoi les 205 milliards de centimes représentant la somme du placement avec les intérêts n'ont pas été récupérés, alors que vous aviez fait des mains et des pieds pour faire sortir votre argent personnel?» lui lança-t-il. «J'ai attiré l'attention de ma tutelle à travers plusieurs correspondances, mais qui ont été toutes vouées à l'échec.» «Qui a déposé plainte contre vous?» lui lança la juge. «C'est M.Beldjoudi Mohamed Tahar, l'actuel directeur de la CNR, agence d'Oum El Bouaghi», répondra-t-il. La juge fera appel, par la suite, à Mir Omar, directeur de l'agence Khalifa de Chéraga. Ce dernier, et après un très bref passage à la barre, dira à la présidente du tribunal ne pas être au courant des irrégularités et dépassements constatés dans la gestion de cette agence, ce qui avait poussé la juge à l'inviter à reprendre sa place dans le box des accusés en le voyant ne pas apporter grand-chose.