L'absence d'étude précise sur les conséquences des radiations sur les populations algériennes n'autorise pas leur négation. La France est appelée à ouvrir les archives relatives aux essais nucléaires effectués en Algérie. La demande a été officiellement formulée, hier, dans le message du ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbès, lu à l'ouverture du colloque international sur «les essais nucléaires dans le monde: le cas du Sahara algérien» qui se tient à l'hôtel El-Aurassi. Cette démarche permettra d'établir, certes, un fait historique. Mais elle est motivée par d'autres raisons liées au besoin des scientifiques de mesurer avec précision l'ampleur réelle des dégâts occasionnés par les explosions atmosphériques et souterraines qui n'ont jamais été reconnues par l'ancien colonisateur. Cette demande est appuyée par des experts français ayant pris part à cette rencontre. M.Bruno Barillot, expert du Conseil d'orientation pour le suivi des conséquences des essais nucléaires, affirme que les chercheurs ignorent, à ce jour, la délimitation exacte des zones contaminées par les essais aériens et souterrains. «Nous sommes aussi sans information sur la destination des anciens laboratoires de Reggane et des blockhaus construits à Hamoudia.» Mais le véritable danger réside dans les sites qui ont servi de terrain aux expériences complémentaires qualifiées par la France d'«essais froids» effectués après l'indépendance qui sont au nombre de 50. «L'on ignore l'état des puits et autres installations et équipements qui ont servi aux expériences complémentaires réalisées sur le site de Hamoudia et Taourit Tan Ataram à 40 km à l'ouest d'In Ecker à Tamanrasset.» L'accès aux archives est incontournable. «Le secret défense» prôné jusqu'ici par les autorités françaises n'a plus aucun argument tangible. Interrogé en marge de la rencontre sur les essais effectués après 1962, Saïd Abadou, secrétaire général de l'Organi-sation des moudjahidine, s'est abstenu de répondre. Il a toutefois renvoyé les journalistes aux négociateurs des accords d'Evian. M.Bruno Barillot a affirmé que la France «a une dette inestimable envers les populations algériennes». Par ailleurs, le ministre des Moudjahidine a estimé que la France doit reconnaître «sa responsabilité» quant aux conséquences néfastes engendrées par les essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien. «Il est du devoir de l'Etat français de reconnaître et d'assumer sa responsabilité quant aux conséquences de ses essais nucléaires opérés dans le Sahara algérien et qui ont causé des dommages aux êtres vivants et à l'environnement dans cette région», a-t-il souligné. Il a également insisté sur l'opportunité qui nécessite de «prendre en charge les victimes de ces essais nucléaires et défendre leurs droits», ainsi qu'à «identifier les voies et moyens pour limiter leurs conséquences néfastes sur l'environnement». La France, ajoute le ministre, a poursuivi ses essais nucléaires dans le Sahara algérien, y compris après l'indépendance, sans pour autant prendre des mesures de prévention de santé, d'environnement ou de gestion des déchets nucléaires. «Toutes les lois universelles reconnaissent la responsabilité du pollueur quant à la prise en charge des conséquences engendrées par cet acte». En 2005, l'Aiea a publié un rapport sur la radioactivité résiduelle sur les sites nucléaires algériens. Ces mesures ont été effectuées à la demande du gouvernement algérien. Le rapport a indiqué qu'il restait sur les points zéro de Reggane et In Ekker une radioactivité non négligeable. Les essais nucléaires français dans le Sahara algérien ont, certainement, été parmi les plus délétères de l'histoire nucléaire après la Seconde Guerre mondiale. «L'absence d'étude précise sur les conséquences des radiations sur les populations algériennes n'autorise pas leur négation», a précisé M.Mostéfa Khiati, professeur au CHU Zmirli.