Le geste de Bouteflika est à la fois amical et politique, car entre l'Algérie et la France, la raison est inséparable du sentiment. Le président Abdelaziz Bouteflika s'est rendu hier en France. Il prendra part au 24e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique et de France qui aura lieu aujourd'hui et demain à Cannes. La présence du président Abdelaziz Bouteflika, à ce sommet, est considérée par les observateurs comme un «geste amical» adressé au président Jacques Chirac, qui se prépare à faire ses adieux à ses pairs africains, et une confirmation de la bonne qualité des relations franco-algériennes. Cette amitié caractérisée est relevée, d'ailleurs, par la presse nationale. Le quotidien El Watan souligne, hier, qu'il s'agit de sa part «d'un geste d'apaisement», au moment où, selon L'Expression, se profilait pour Paris «un autre sujet de repentance» à l'égard de l'Algérie. Le Quotidien d'Oran estime que le traité d'amitié «reste un objectif» pour les deux pays et n'exclut pas un tête-à-tête entre MM.Chirac et Bouteflika en marge du sommet franco-africain pour relancer ce dossier. Pour Abdelkrim Ghezali, directeur de la rédaction de La Tribune, M.Bouteflika «se devait d'être présent à Cannes, en raison du rôle de l'Algérie en Afrique et au sein du Nepad», le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, qui veut associer les entreprises privées du Sud et du Nord. «La France, qui a perdu des positions en Afrique ces dernières années, peut aussi, pour les reconquérir, s'appuyer sur l'Algérie qui reste la porte de l'Afrique», estime-t-il. Pour Ahmed Fattani, directeur de L'Expression: «Le geste de Bouteflika est, à la fois amical et politique, car entre l'Algérie et la France, la raison est inséparable du sentiment». Bouteflika «va, certes, rendre hommage à Chirac pour son action en Afrique, au Maghreb et dans le monde arabe, ainsi que pour sa dénonciation du colonialisme (dans un livre d'entretiens publié à Paris)», mais, il veut également «préparer la suite, lorsque M.Chirac aura passé le témoin à son successeur», souligne-t-il. Par sa présence au 24e Sommet France-Afrique, Bouteflika répond favorablement au souhait de Jacques Chirac et exprimé par le président du Conseil constitutionnel français, Pierre Mazeaud, lors de sa visite à Alger du 9 au 11 février. Auparavant, l'Algérie a toujours critiqué le concept de «précarré» français en Afrique. Le changement de ton est aperçu avec l'arrivée de Bouteflika à la magistrature suprême en 1999. Depuis, l'Algérie a pris part aux différents rendez-vous de la famille franco-africaine, la première fois, en 2001 à Yaoundé, puis en 2003 à Paris. L'autre facteur plaidant pour une éventuelle signature du traité d'amitié entrez Alger et Paris est le fait que ce Sommet est le dernier de Jacques «Chirac l'Africain», celui des adieux à un continent où l'influence de Paris s'est fortement réduite. Néanmoins, le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a tenu à assurer mardi que la France resterait «l'avocat inlassable de la place et du rôle éminents» de l'Afrique. Une façon de dire qu'en dépit du départ de Jacques Chirac, qui, après 12 ans de présidence, ne briguera certainement pas de troisième mandat, la France ne compte pas se délaisser de ses anciennes colonies. Aussi, aujourd'hui, l'heure est venue pour les Africains du continent et de la diaspora, dispersés en Europe, aux Amériques et en Asie du Sud-Est, de relever le défi de l'ingérence politique et économique, afin de contribuer à l'indépendance véritable du continent noir.