Les travaux du 25e sommet Afrique-France – qui est présenté comme le sommet de la rupture avec la Françafrique – ont débuté, hier après-midi à Nice, avec la participation de 38 chefs d'Etat africains dont le président Bouteflika. Nice (France). De notre envoyé spécial Le chef de l'Etat algérien est le seul dirigeant du Maghreb à participer à ce forum. Le président tunisien et le roi du Maroc qui sont pourtant connus pour être des partenaires assidus de Paris ont, en effet, décidé de faire l'impasse sur cette 25e édition du sommet Afrique-France, durant laquelle le leader sud-africain, Zacob Zuma, a ravi la vedette. La présence de M. Zuma à Nice n'est pas passée inaperçue pour la bonne raison que c'est la première fois qu'un leader d'un pays anglophone d'Afrique participe à une rencontre jadis réservée exclusivement aux anciennes colonies françaises. Zuma, un anglophone au sommet de Nice Le colonel Mouammar Kadhafi n'a également pas répondu à l'invitation de son homologue français malgré que les relations entre Paris et Tripoli se soient considérablement améliorées ces dernières années. Pour montrer aussi que le sommet Afrique-France s'ouvre et qu'il n'est pas un instrument au service exclusif des intérêts de la France, l'Elysée n'a pas oublié de convier les responsables de l'Union africaine et de l'Union européenne à y assister. L'initiative a été plutôt bien perçue à Bruxelles dans la mesure où, indique une représentante de la Commission européenne, le « sommet Afrique-France peut être un atout pour promouvoir le partenariat Afrique-Europe ». Au plan politique, les travaux du sommet qui se sont tenus à huis clos ont été dominés par trois grandes thématiques. Il a été question du rôle et de la place de l'Afrique dans la gouvernance mondiale, du renforcement de la paix et de la sécurité et du climat. Des sujets qui ont suscité un fort intérêt des dirigeants africains dans la mesure où ils revendiquent depuis déjà plusieurs années une réforme de fond de l'ONU et deux sièges permanents au Conseil de sécurité. En attendant que cette revendication se concrétise, le président Sarkozy a laissé clairement entendre, dans son discours d'ouverture, que la France se fera l'avocate de l'Afrique concernant cette question précise auprès des institutions internationales. Le président français a d'ailleurs estimé qu'il était « absolument anormal que l'Afrique ne compte aucun membre permanent du Conseil de sécurité » de l'ONU. « Je suis intimement convaincu qu'il n'est plus possible d'évoquer les grandes questions du monde sans la présence de l'Afrique », a insisté Nicolas Sarkozy, en promettant des « initiatives » lors des présidences françaises des G8 et G20, à compter de la fin de l'année. Nicolas Sarkozy charge les dictateurs africains Si le président français a justifié le maintien des sommets Afrique-France, il a néanmoins dérogé à l'une des règles d'or de la Françafrique qui exige que l'on ménage les susceptibilités des dirigeants africains en évitant, par exemple, de parler des droits de l'homme. C'est ainsi, qu'évoquant les « crises institutionnelles en Afrique », il a rappelé que la démocratie et les droits de l'homme ne sont « pas des valeurs occidentales (mais) des valeurs universelles ». « En Afrique comme ailleurs, le déficit de démocratie et les violations des droits de l'homme alimentent la violence et l'instabilité », a-t-il jugé. Cette déclaration peut vouloir dire que la France sera, à l'avenir, moins complaisante vis-à-vis des dictateurs africains. En tout cas, le discours de Nicolas Sarkozy aurait certainement déplu au président tunisien qui n'a, à ce jour, jamais été inquiété par l'Elysée sur le dossier des droits de l'homme. L'ambition affichée du chef de l'Etat français de voir le sommet Afrique-France peser davantage sur l'échiquier international (c'est d'ailleurs aussi le souhait du président égyptien qui a proposé de mettre en place un cadre pour faire évoluer la coopération entre l'Afrique et la France vers plus de « concret ») ne semble toutefois pas partagée par un certain nombre de pays. C'est le cas, est-il apparu, de l'Algérie dont le président s'est employé à rappeler, au cours des deux discours qu'il a prononcés hier à huis clos, les institutions que l'Afrique privilégie en matière de coopération. Des institutions au sein desquelles ne fait pas partie le forum Afrique-France. Les observateurs auront d'ailleurs fait remarquer que le président Bouteflika n'a, tout au long de ses deux allocutions, fait allusion ni au sommet France-Afrique, ni aux relations algéro-françaises, ni même à la France. Ce détail a aussitôt amené beaucoup de journalistes à relativiser quelque peu les informations rapportées ces derniers jours, évoquant le début de la fin de la crise entre Alger et Paris. Quoi qu'il en soit, la veille, un responsable algérien avait expliqué la présence du chef de l'Etat à Nice en se contentant de dire que l'Algérie, de par ses obligations et son rôle sur le continent, est tenue de s'intéresser à tout ce qui touche à l'Afrique. Il semble aussi qu'il n'y a pas lieu de faire des lectures politiques optimistes des quelques mots échangés par Abdelaziz Bouteflika et Hosni Moubarak face aux caméras de télévision. Là aussi, des sources soutiennent que le statu quo est toujours de mise.