Dans cette guerre qui dure où l'occupant israélien oppose le statut de victime des Juifs à la douleur palestinienne, il faut refuser la victimologie et en revenir aux droits fondamentaux, à l'égalité de traitement de tous les êtres humains, indépendamment de leur histoire et de leurs origines. Pierre Stamboul Au cours du repas annuel du Crijf qui se tenait à Paris, mardi 23 janvier 2007, des candidats à l'élection présidentielle ont été aperçus. Ambassadeurs, Premier ministre... tout le monde était là: monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, monsieur le président de l'Assemblée nationale, des ministres du gouvernement, des élus, monsieur le maire de Paris, des représentants de l'autorité de l'Etat de l'American Jewish Committee et enfin, Robert Redeker, le professeur qui s'est fait une réputation sur l'insulte de l'Islam.. «Si l'on en croit le président du Crijf, M.Roger Cukierman, est-il écrit dans une tribune de Agora Vox, son association est l'organe politique des associations communautaires juives de France. Voilà déjà un beau hiatus dans le paysage laïque de la France. Si demain le Cran ou les Berbères de France organisaient un tel repas, des candidats à l'élection s'exposeraient à un chapelet de critiques: déviance, communautarisme, allégeance à des groupes de pressions. Y a-t-il un vote juif? L'attachement à Israël faisant partie de l'identité juive», comme le soutient Roger Cukierman...Je reste persuadé qu'il y a bien un vote juif lors de l'élection présidentielle. D'ailleurs, comment expliquer autrement la présence de candidats à la présidentielle à ce dîner si peu républicain? A 600.000 voix près, le premier tour d'une élection présidentielle se joue...Non content, dans la bouche de M.Cukierman, se mêlent les arguments politiques aux impératifs de morale économique....Faut-il rappeler que la politique menée par Israël (et non le principe de son existence) n'est pas du goût de tout le monde, du ponant jusqu'à l'orient? Se souvenir aussi des appels à la désobéissance militaire des généraux Yiftah Spector et Yig'al Shoat. Autrement dit, l'antisémitisme que ressentirait la communauté juive de France ne fait-il pas systématiquement écho aux exactions de l'armée israélienne, n'est-ce pas une synagogue qui brûle à chaque fois qu'une école libanaise est touchée? Pour faire court, et tout à fait laïquement, j'avoue un certain malaise à imaginer le Premier ministre de notre pays prendre des leçons de morale comme celle-ci, année après année, devant l'assemblée du gotha international, à l'invitation d'une association religieuse.(1) «Un niveau inacceptable» Ecoutons justement refaire le monde Monsieur Cukierman: «Madame et Messieurs les Représentants des religions chrétienne, musulmane et juive, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs. Je salue particulièrement les Ambassadeurs des pays musulmans: d'Egypte, de Jordanie, du Maroc, du Pakistan, et de Tunisie...Bienvenue également au professeur Redeker, empêché d'exercer son métier depuis qu'il a fait l'objet d'une fatwa...J'ai tenu à votre présence comme un symbole de notre confiance dans l'avenir...Je ne souhaite à aucun de mes successeurs l'incompréhension qui régnait au début des années 2000. L'année suivante, j'évoquais une alliance brun, vert, rouge, et un antisionisme qui contribue à l'antisémitisme». «...Pour quiconque a conscience de l'Histoire, une menace contre les Juifs apparaît comme l'avertissement d'une menace contre l'idée même d'humanité. Je remercie les dirigeants de la nation, les élus, ainsi que tous les citoyens qui mènent, sans relâche, avec nous, le combat contre l'antisémitisme. Le nombre d'actes et menaces antisémites enregistrés en 2006 est inférieur d'un tiers au pic atteint en 2004. Mais ce niveau, huit fois supérieur au niveau des années 1990, reste inacceptable....» Nous remarquons au passage que monsieur Cukierman critique et admoneste le gouvernement pour sa politique contre l'antisémitisme qui ne concerne, naturellement, que les Sémites juifs et non les Sémites arabes. «Les mêmes sujets d'inquiétude et les mêmes aspirations, tant pour la France que pour les relations entre la France et Israël. Par exemple, vous savez, Monsieur le Premier ministre, qu'un cinquième de la population israélienne est francophone. Quand donc l'Etat d'Israël sera-t-il enfin admis au sein de l'Organisation mondiale de la francophonie?...Monsieur le Premier ministre, vous êtes, parmi tous ceux qui se sont exprimés sur ce sujet, le seul à détenir le pouvoir de donner à cette pétition la suite qu'elle mérite». Après cela, le président du Crijf, avocat zélé de la politique d'Israël, demande au Premier ministre d'imposer ce pays dans la francophonie, reconnaître Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël-jusqu'à présent, seuls les Etats-Unis l'ont fait; puis il donne sa vision de la paix avec le Hamas et naturellement pas un mot sur l'hécatombe du Liban. Ecoutons-le: «Sur un autre plan, pouvons-nous espérer que la France devienne enfin la première grande puissance à reconnaître un fait réel: Jérusalem est la capitale de l'Etat d'Israël....Cette reconnaissance renforcerait la place que la France peut et doit jouer dans cette région. Jérusalem n'est pas pour nous l'objet d'une affection de circonstance. Jérusalem est la capitale de l'identité juive depuis des millénaires.»...La victoire électorale du Hamas a ruiné les espoirs des plus optimistes. L'article 7 de la charte du Hamas appelle au meurtre du«Yahoud»....Malheureusement, chaque retrait israélien a été interprété comme un signe de faiblesse. N'oublions pas que l'incursion du Hezbollah en territoire israélien, le 12 juillet 2006, avait entraîné la mort de 8 soldats israéliens, le début d'un déluge de missiles sur le nord d'Israël, et l'enlèvement de deux soldats. La France doit oeuvrer à la libération de ces otages, comme à celle du franco-israélien, Guilad Shalit. La France, amie fidèle du Liban, a su exprimer sa solidarité au peuple libanais pour les pertes humaines et physiques endurées lors de ce conflit. La France, également amie d'Israël, se devait d'exprimer, aussi, sa solidarité aux victimes israéliennes. Ce fut fait, avec un peu moins de visibilité, mais ce fut fait...Comment oublier l'attentat du Hezbollah contre le Drakkar à Beyrouth qui coûta la vie à 58 soldats français, ou l'assassinat de l'ambassadeur, Louis Delamare, ou celui de l'otage, Michel Seurat?...Et je ne peux que constater l'inaction, ou à tout le moins, l'inefficacité de l'ONU, à propos du négationnisme? Au passage, monsieur Cukierman rouvre des plaies en attisant la haine contre le mouvement Hamas, qui, faut-il rappeler, a été créé suite à l'invasion du Liban, en 1982 par Israël. Enfin, le sacerdoce de monsieur Roger Cukierman consiste, d'une façon itérative, à diaboliser l'Iran: ...Le 27 janvier sera commémorée la Journée mondiale de la Shoah, et de prévention des crimes contre l'humanité. La France s'honorerait si, ce jour-là, elle convoquait solennellement l'ambassadeur d'Iran, et si elle rappelait à Paris son ambassadeur. Elle pourrait suggérer, à ses partenaires européens, une initiative identique. Le Crijf a commandé, en novembre 2006, un sondage à la Sofres. Ce sondage montre que 80% des Français prennent au sérieux la menace iranienne. Et, 66% des personnes sondées, redoutent le danger nucléaire iranien pour le territoire français. Oui, les missiles iraniens peuvent viser les Européens, accusés d'être des impies, des «croisés». «L'empire persan est le rival du monde arabe depuis des siècles...Aussi, les Etats arabes modérés sont-ils sans doute encore plus menacés que les pays réputés en possession d'un bouclier nucléaire.» L'analogie entre Hitler et Ahmadinejad s'impose d'évidence. Les images d'hier sont en noir et blanc. Le destin du monde dépend de la réponse que vous, et vos collègues, qui dirigez les grandes nations d'Occident, saurez donner à la folie destructrice annoncée par le nouvel Hitler! Je souhaite pouvoir ajouter un nouveau motif de fierté: l'ambition et la fermeté de la France dans le concert des nations pour empêcher l'Iran de se doter de l'arme atomique et pour apporter la paix au Proche-Orient.(2) Naturellement, les chiites sont dressés contre les sunnites et pas un mot sur le nucléaire israélien qui, on l'aura compris, ne figurait pas dans les questions posées aux Français. Nous retrouvons la même accusation dans la bouche de Benyamin Netanyahu. Comme l'écrit l'historien Gareth Porter de l'Université de Californie: A la conférence annuelle de Herzeliya, en janvier 2007 en Israël, les aspirants présidents des US, les néoconservateurs, et les faucons israéliens évoquaient tous l'Holocauste et avertissaient de l'annihilation des Juifs. Le «Bibi» israélien Netanyahu, qui compare Ahmadinejad d'Iran à Hitler a dit: «Le monde qui n'a pas précédemment stoppé l'Holocauste peut le faire cette fois. Qui va conduire les efforts contre un génocide contre nous? Le monde ne se lèvera pas pour la cause des Juifs si les Juifs ne se lèvent pas pour la cause du monde?»(3) Voilà qui est net, le salut du monde ne peut venir que des Juifs. Sans en faire le procès, le discours du Premier ministre est une reddition en rase campagne aux diktats du Crijf qui, il faut le rappeler, ne représente pas la majorité des Juifs.. Lisons «...Comme d'autres pays, la France a été confrontée au début des années 2000, à une recrudescence d'actes antisémites. Les services de Police et de Gendarmerie ont mis en oeuvre avec les parquets et en liaison étroite avec les services de protection de la communauté, des dispositifs spécifiques. Nous avons adopté des mesures législatives et réglementaires pour renforcer, à la fois prévention et répression, notamment à travers des programmes scolaires spécifiques. En 4 ans nous avons fait reculer les violences antisémites de plus de 40%....C'est vrai lorsque les propos de certains dirigeants soulèvent une légitime indignation. Je condamne sans réserve et avec la plus grande vigueur les propos inacceptables du président iranien sur le Shoah, ainsi que l'organisation, à Téhéran, en décembre 2006, d'une conférence sur l'Holocauste ouverte aux thèses négationnistes. Ils sont une insulte à la mémoire des victimes et de leurs familles ainsi qu'à l'honneur de la communauté internationale. Ils sont une agression à l'égard de l'Etat d'Israël. Ils sont une menace sur la stabilité et la paix dans cette région si fragile». ...L'amitié entre la France et Israël est un atout. Elle est notre chance...Vous n'avez cessé d'oeuvrer pour faire connaître Israël en France, pour faire comprendre la société israélienne à nos compatriotes....Je suis, bien sûr, favorable à l'entrée d'Israël dans la francophonie et dans les organisations qui ont la charge de la faire rayonner à travers le monde....Pour rétablir la confiance, il y a deux impératifs: la libération du soldat, Gilad Shalit, français et israélien, enlevé au début de l'été et dont j'ai demandé à être régulièrement informé, ainsi que l'arrêt des violences....Face à la guerre au Liban, la France, vous le savez, s'est pleinement mobilisée. Cette guerre a constitué pour les populations du nord d'Israël touchées par les tirs inacceptables et quotidien de roquettes du Hezbollah, ainsi que pour le peuple libanais qui a déjà tant souffert, une épreuve terrible...Nous partageons les préoccupations légitimes d'Israël face aux déclarations inacceptables et aux appels à la haine du président iranien. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la France les a condamnées avec la plus grande force. L'Iran poursuit un programme d'enrichissement qui suscite des interrogations internationales légitimes....Si l'Iran ne se conforme pas à ses obligations, des mesures supplémentaires seront examinées. Soyez assurés de notre vigilance et de notre détermination sur ce dossier majeur pour notre sécurité et la sécurité d'Israël. Je veux le redire ici avec force: la France ne transigera pas avec la sécurité d'Israël. La France sera toujours aux côtés d'Israël, pour réaffirmer notre refus absolu du terrorisme, du fanatisme, de la violence et de l'intolérance.(4) Notons que le Premier ministre ne dit pas un mot sur l'invasion israélienne au Liban avec son cortège de souffrances. Comment comprendre le hold-up sur les sentiments républicains de l'immense majorité des Juifs de France par un communautarisme des plus durs et qui se veut le seul représentant des Juifs. La seule explication est que le Crijf est un prolongement de l'Etat, de la politique sioniste d'Israël qui est aussi efficace que l'ambassade d'Israël: «Les sionistes, écrit Pierre Stambul, ont inventé toute une théorie pour justifier la prise de possession du pays. Le sionisme a entrepris de transformer radicalement les Juifs. Pour construire l'Israélien nouveau, il a fallu «tuer» le Juif, le cosmopolite, l'universel, le dispersé. Il a fallu se débarrasser de sa culture, de ses valeurs, de sa mémoire, de son histoire. De nombreux traits, de nombreux mythes de la société israélienne sont totalement étrangers à l'histoire juive. La défense inconditionnelle d'Israël Le militarisme, bien sûr, l'esprit pionnier «du désert, nous avons fait un jardin», façon de masquer que la société israélienne s'est surtout développée par un transfert massif d'argent venu d'Occident, l'insensibilité totale à l'autre qui s'oppose radicalement à l'universalisme de la sortie du ghetto....Pour les Juifs du monde arabe, c'est pire. Là, il n'y a pas d'histoire de persécution. C'est le sionisme qui a créé les conditions de leur départ et qui a organisé matériellement leur émigration pour qu'Israël puisse se doter d'un prolétariat. Le sionisme a réussi à créer un «homo judaïcus» nouveau. L'opposante Nourit Peled parle de virus ou de névrose collective. Le sionisme veut clore l'histoire juive. Il présente la diaspora comme une gigantesque parenthèse. Il proclame la centralité d'Israël. Tous les Juifs sont sommés d'immigrer ou d'aider Israël. Sinon, ce sont des traîtres ayant la haine de soi. La plupart des institutions juives (à commencer en France par le Crif) n'ont qu'une seule fonction: la défense inconditionnelle de la politique du gouvernement israélien, quel qu'il soit. Avec le sionisme, les seconds prétendent parler au nom de tous les Juifs. Oui, l'antisémitisme racial est une monstruosité qui a abouti à l'extermination programmée de 6 millions de Juifs (soit la moitié des Juifs européens), tués parce que Juifs, toutes classes sociales confondues.(5). Imaginons, pour terminer, un dîner du Conseil consultatif des Musulmans de France. Imaginons le président y admonester les politiques français, distribuer les bons et les mauvais points. Imaginons les recommandations fortes quant à la politique intérieure et extérieure. Assurément, nous sommes loin de la boutade de de Gaulle à qui on conseilla de s'occuper des aléas de la bourse dans ses interventions, il eut cette phrase sans appel «La politique de la France ne se fait pas à la corbeille». II est incompréhensible, voire immoral, qu'un pays qui ne cesse d'affirmer son refus du communautarisme affirmant que la République est équidistante des religions, se fourvoie et fasse allégeance en rase campagne devant les représentants autoproclamés -car il faut savoir qu'il y a des Français de confession juive qui sont loin de partager les idées du président du Crif- d'une communauté faible numériquement mais, ô combien, puissante par la puissance de son intelligence et de ses réseaux. 1.Y a-t-il un vote juif? Agoravox 30012007 2.Allocution de Roger Cukierman, président du Crif le 23 janvier 2007 3.Gareth Porter Israël/ Iran: Hystérie «contrôlée» sioniste 31/01/07 4.Dominique de Villepin: Discours au dîner du Crif le 23 janvier 2007 5.Pierre Stamboul: Le sionisme:une perversion des identités juives et une tentative de clore l'histoire des Juifs. 13 janvier 2007 UJFPhttp:/www.poulapaixenpalestine.ras.eu.org/