La loi de l'omerta fait que souvent, des cas d'actes fatals sont dénombrés comme décès normaux. Le suicide continue de frapper de plein fouet la région de Basse Kabylie. Sept cas ont été enregistrés depuis le début de l'année, soit en l'espace de moins de deux mois. La région de Chemini reste la plus touchée par ce fléau. Trois y sont recensés en une semaine. Les statistiques dont nous disposons reflètent-elles la réalité? Rien n'est moins sûr lorsqu'on connaît le tabou qui entoure la question. Conservatrice par excellence, la société kabyle a tendance à camoufler l'acte fatal par honte vis-à-vis de l'autre, si bien que parfois, les cas sont recensés dans les statistiques officielles comme des décès tout à fait normaux. Il en est de même pour ce classement de la Protection civile qui classe le suicide dans la catégorie «évacuation». Une personne qui se jette de la place Gueydon est classée dans la catégorie «évacuation» dans les statistiques de la Protection civile en attendant les enquêtes qui aboutissent rarement, lorsqu'elles sont sérieusement entreprises. Les chiffres officiels laissent bien la place à l'espoir. Le recul est si important qu'il ne peut s'expliquer que par le retour de la quiétude dans une région fortement soumise à l'agitation politicienne. Le rapport de la Gendarmerie nationale dénombre 60 cas en 2004, on est passé à 37 en 2005 pour arriver à 28 en 2006. Une baisse significative, certes, mais qui ne prend pas en considération les cas non signalés. La loi de l'omerta fait que souvent, des cas d'actes fatals sont dénombrés comme décès normaux. Il nous est arrivé d'être interpellés par des familles pour faire preuve de retenue en la matière. Le suicide est considéré comme un acte de lâcheté qui ne peut honorer la famille, le village puis le douar. Les statistiques officielles notent aussi que la frange la plus touchée par ce fléau est située entre 30 et 40 ans. Quant à la manière utilisée pour se donner la mort, la pendaison est la plus fréquente suivie de loin par l'usage de produits chimiques et de barbituriques. Pour 2007, un cas de suicide par électrocution a été relevé. Il a eu lieu la semaine passée à Tichy. Même si toute la wilaya est concernée par ce fléau, il reste que certaines régions se taillent la part du lion dans les statistiques. Adekar, Aokas et surtout Chemini, figurent parmi les localités les plus endeuillées par ce fléau des temps modernes. Très souvent, les personnes qui se suicident ont un passé marqué par des maladies mentales. Les malades mentaux ont plus facilement recours à l'acte fatal. Se donner la mort pour échapper à une condition de vie précaire dictée par une situation conjoncturelle peut-il être la solution? Aucune étude sérieuse n'est menée dans ce sens. Même la cellule d'écoute annoncée lorsque la wilaya de Béjaïa «détrônait» le reste du pays en matière de suicide n'a pas vu le jour. Si tel est le cas, on en connaît pas encore les coordonnées. Une thèse universitaire mettait, il y a peu, la flambée des cas de suicide dans la région de Chemini sur le compte du relief. Un relief montagneux qui favoriserait, à croire l'enquête universitaire, le recours au suicide. Une explication parmi tant d'autres qu'il faut bien un jour cerner pour mieux comprendre, mieux informer et mieux sensibiliser. Mourir par suicide ou se donner la mort reste toujours incompréhensible. C'est pourquoi la cellule d'écoute et les enquêtes sérieuses se doivent d'être une réalité.