On estime à 80.000 le nombre de kalachnikovs qui circulent dans la région. Le gouvernement espagnol a autorisé, vendredi dernier, l'extradition vers le Maroc de M'barek El Jaâfari, accusé d'appartenance à une organisation terroriste et de recrutement de présumés terroristes pour l'Irak. Selon un communiqué publié à l'issue d'une réunion du conseil des ministres, le gouvernement a «décidé de donner suite à la procédure d'extradition demandée par les autorités marocaines, de M'barek El Jaâfari», arrêté le 5 février dernier à Tarragone, dans le nord-est espagnol. Selon le ministère espagnol de l'Intérieur, El Jaâfari est un membre du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) algérien, devenu depuis Organisation Al Qaîda aux pays du Maghreb islamique. Depuis son arrestation, il se trouve en prison préventive sur ordre du juge Juan del Olmo. Selon les autorités espagnoles, El Jaâfari a recruté plusieurs terroristes présumés pour les envoyer en Irak afin d'y perpétrer des attentats suicide et planifier des attaques terroristes au Maroc. C'est vraisemblablement en Espagne, appelée le «ventre mou» de l'Europe que le Gspc semble se développer vite, bien que dans d'autres pays les choses se font dans une quasi-clandestinité. Par ailleurs, et au Maroc, le juge d'instruction près l'annexe à Salé de la cour d'appel de Rabat a auditionné, jeudi, dans le cadre de l'enquête préliminaire, le prévenu (A.A), membre présumé de la cellule de Tétouan spécialisée dans le recrutement de combattants pour l'Irak, apprend-on de source judiciaire. Le prévenu, arrêté récemment à Chefchaoun, est poursuivi pour «constitution de bande criminelle dans le but de préparer et de commettre des actes terroristes visant à troubler l'ordre public», «exercice d'activités au sein d'une association non autorisée» et «réunions publiques sans autorisation préalable», ajoute-t-on de même source. Le juge d'instruction a aussitôt ordonné la détention du mis en cause. Le juge d'instruction près l'annexe à Salé de la cour d'appel de Rabat avait déjà auditionné 31 membres de cette cellule spécialisée dans le recrutement de combattants marocains pour l'Irak. Les premiers éléments de l'enquête avaient révélé l'existence de liens idéologiques, de soutien financier et logistique entre cette cellule et des groupes de l'internationale terroriste, dont Al Qaîda, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc), devenu «Organisation d'Al Qaîda aux pays du Maghreb Islamique» et le «Groupe islamique combattant marocain», ainsi qu'avec des personnes connues pour leurs tendances terroristes sur le plan international. La police judiciaire avait procédé, en janvier dernier, au démantèlement de cette cellule terroriste à Tétouan. Récemment, et s'appuyant sur des investigations de la DST, des quotidiens marocains ont affirmé que nombre de candidats au djihad, affiliés ou non à Al Qaîda, s'entraînent dans les régions du Sud, à la lisière du Sahara occidental, et même de la région nord de la Mauritanie, ainsi que dans quelques no man's land au Niger et au Mali, sous les ordres de Mokhtar Ben Mokhtar, le chef du Gspc pour le Sahara. Selon les mêmes sources, dans ces zones désertiques et tribales du Sahara et du Sahel, qui s'étendent sur plusieurs milliers de kilomètres, et vont pratiquement de la Mauritanie au Tchad, le commerce d'armes prolifère, mais aussi le développement d'armes non conventionnelles. Selon le quotidien Al Bayane du 22 mars, «un véritable trafic d'armes est organisé dans cette bande en plus du trafic de drogue et l'immigration clandestine. On estime à 80 000 le nombre de kalachnikovs qui circulent dans la région», estime Al Bayane. Chiffre ébouriffant s'il en est, mais qui renseigne sur ce que tous les spécialistes savaient déjà, à savoir que le Gspc s'est doté d'un armement suffisant. Comment vont évoluer les nouvelles mutations de l'organisation au plan militaire? On en sait peu de choses, tant les mutations des groupes armés restent tributaires des mutations du contexte international, lequel progresse vite. Pour bien des analystes, l'attentat à l'explosif reste l'arme la plus recherchée, car mettant dans l'action très peu d'hommes, donc offrant le plus de garantie et de sécurité pour l'organisation, et occasionnant un maximum de dégâts aux cibles. Comment et de quelle façon le Gspc peut-il hériter de la logistique militaire d'Al Qaîda pour devenir plus opérant dans le Maghreb? Cette question avait été posée il y a quelques semaines à Anne Giudicelli, responsable du cabinet-conseil en matière de risques et de sécurité, et à laquelle elle avait répondu: «Cette nouvelle alliance signifie une mise en réseaux des moyens et des hommes, et une harmonisation des objectifs. La capacité militaire actuelle du Gspc ne semble pas encore avoir bénéficié de cette dynamique: les attentats récents revendiqués par le Gspc n'ont pas été réalisés avec l'aide d'armes plus élaborées que précédemment. Seuls les modes opératoires et les cibles témoignent de cette nouvelle donne. Sa capacité de renseignement a clairement gagné en sophistication, ce qui lui a, notamment, permis d'opérer dans des zones internationales, que son nouveau statut de branche d'Al Qaîda lui ouvre désormais». Al Qaîda se transforme vite, le mouvement djihadiste sunnite dispose d'une base proche de l'Europe: Le Sahel. Sur l'immense et très animé marché central de Bamako, qui entoure la grande mosquée, il est rare de voir des femmes portant le hijab, et plus encore le niqab. Dans le nord du Mali, en revanche, dans des villes et des villages comme Kidal, Tombouctou ou Gao, on note la présence du radicalisme. Celui-ci, par le truchement de positions politiques et religieuses qui plaisent aux populations locales, se développe. Les gouvernements locaux n'y peuvent rien, et tout porte à croire que le décalage entre le Nord et le Sud, confortera Al Qaîda, et lui donnera tous les arguments pour ratisser large. Ce qui se passe en Somalie est déjà un résumé de tout le pachwork djihadiste contre lequel l'Occident est en train de se casser les dents. La capacité en ressources humaines est, également, en hausse, comme l'atteste l'expansion de ses réseaux au Maroc et en Tunisie. Il est probable que les nouveaux moyens logistiques, dont le Gspc pourra bénéficier, proviendront des ouvertures de «marchés» créés par l'entrée de nouveaux relais, extérieurs à ses réseaux traditionnels, dans son capital militaire. Autrement dit, de la mise en commun de systèmes d'approvisionnement en armes et en technologie déjà existants dans la mouvance.