Les émotions sont controversé à l'annonce des verdicts. Après quinze jours de délibérations, la juge Fatiha Brahimi a rendu son verdict. Devant une salle archi-comble, la présidente de séance a dû batailler des heures durant pour livrer la totalité des sentences. 11h30, les portes de la salle d'audience sont ouvertes aux avocats et prévenus. La salle paraît trop exiguë pour contenir tout le monde. Nombreux sont ceux qui n'ont pas cette chance de décrocher un strapontin. L'ambiance générale est sereine parfois même bon enfant. Les regards se croisent. Des discussions très animées sont entamées. Le décor était planté pour le déroulement de ce procès qui marque déjà les annales de la justice algérienne. Les promesses de clémence, dans les limites permises par la loi, faites par la juge à l'assistance à la fin des délibérations des robes noires, sont sur toutes les langues. On espère un dénouement heureux du lourd procès. Le frère de l'inculpé Menad Mustapha nous demande note avis sur l'issue de ce procès. Il a besoin d'être rassuré. Son frère aîné attend le jugement avec beaucoup d'espoir, il est accusé d'avoir reçu une carte de thalassothérapie et un billet d'avion. Son autre frère Djamel (l'ex-joueur international et entraîneur de football) est optimiste et ne semble pas inquiet. 13h, l'heure de vérité est arrivée. On fait entrer les inculpés. Ces derniers balayent la salle des yeux à la recherche des proches. Des sourires et des gestes s'échangent. Un précieux réconfort dont les inculpés ont besoin dans ces moments difficiles. On reconnaît Ighil Meziane qui reste debout, immobile durant quelques secondes. Il a l'air fatigué et stressé. Le directeur de l'agence des Abattoirs fait des signes à ses deux frères qui montent sur le banc pour bien apparaître. L'atmosphère est détendue dans la salle, même si une tension sournoise se fait sentir sur les lieux. La juge Brahimi salue tout le monde et déclare l'audience «ouverte» avant de se rattraper et annoncer la «reprise de l'audience» au nom du peuple algérien, non sans s'être excusée pour le retard accusé et qui, tient-elle à signaler, est «indépendant de notre volonté.» L'audience devait commencer à 12h. Un air solennel s'empare de la salle. Les choses sérieuses commencent. Les sentiments sont remis au placard. La tension monte à l'appel des inculpés par le juge. «Chaque inculpé est prié de s'approcher de la barre» dit Mme Brahimi. S'ensuivit l'appel des prévenus qui sont enjoints de prendre place dans le box des accusés et rejoindre les trente-quatre inculpés qui séjournent en prison depuis le début du procès. Certains d'entre eux y sont incarcérés depuis des années déjà. La juge fait connaître la procédure à suivre dans ce procès: «Je vais lire toutes les questions avant de prononcer le verdict final», explique-t-elle à l'adresse des avocats. L'un d'eux fait remarquer que cela prendra énormément de temps. Réponse sèche de «la femme de fer aux gants de velours»: «Cela prendra le temps que ça prendra quitte à rester jusqu'au petit matin!» Les sentences défilent au fil des minutes qui s'égrènent. Akli Youcef est le premier à voir son sort scellé. Il est le caissier principal de la Banque El Khalifa. La juge lui annonce 10 ans de réclusion ferme. Un choc dans la salle. L'inquiétude envahit les familles des inculpés. Puis les sentences défilent de la bouche de la juge Brahimi. Dalal Abdelouahab est acquitté. La salle applaudit. L'espoir revient dans les coeurs meurtris des familles et des inculpés. Les visages restent malgré tout fermés. Un malaise est perceptible dans les yeux de nombreux proches. Réda Abdelouahab 2 ans. On souffle. Le verdict varie pour la trentaine d'inculpés inscrits dans la liste entre des peines de deux ans avec sursis, comme c'est le cas pour Dahmani Nour Eddine et jusqu'à 15 ans pour Guellimi Djamel, l'inspecteur principal de Khalifa Airways et PDG de Khalifa TV. Les émotions sont controversées à l'annonce des verdicts. On y entend «vive Edawla», comme l'a crié un parent du DG de l'AADL Kheir Eddine El Oualid, ou «c'est de la hogra», comme l'a fait entendre avec rage, le frère cadet de la famille Menad qui a été vite pris en charge par les services de sécurité. Son frère Mustapha écope de trois ans de prison ferme avec arrêt en audience. La salle sera bouleversée encore plus à l'annonce du verdict concernant Ali Aoun, le P-DG de Saidal. Lui-même paraît ne pas comprendre ce qui lui arrive. Il bénéficie tout de même de la non-prise de corps. Il reste dubitatif avant que ses avocats ne viennent le consoler. Les acquittements avoisinent la quarantaine. Certains sortent en pleurs comme Rachid Medjiba. D'autres s'écroulent sous la forte émotion de voir le cauchemar prendre fin. Les cris de joie se mêlent aux gestes de détresse. Les larmes fusent et les regards se perdent, comme c'est le cas du frère du responsable de l'agence des Abattoirs qui se met face au mur les bras écartés pour signifier toute son impuissance devant le verdict de 10 ans ferme à l'encontre de son frère.