Salah Oudina est un poète de Skikda qui a, à son actif, plusieurs recueils de poèmes. Actuellement, il se débat comme un démon dans un bénitier pour trouver un éditeur. Dans l'entretien qui suit, il revient sur ce problème qui est aussi celui de la plupart des poètes en Algérie. L'Expression: Est-ce que vous avez édité ces poèmes, si non pourquoi? Salah Oudina: Pour répondre à votre question, il me parait d'autant plus nécessaire de vous préciser et par là même aux lecteurs de votre journal que, malheureusement, je n'ai pu hélas, éditer mes poèmes pour des raisons indépendantes de ma volonté. Comment? La question reste d'actualité de prime abord par manque d'information sur les maisons d'édition et par manque de temps pour dénicher des éditeurs amoureux du verbe. Ensuite parce que ces derniers ne sont pas chauds à l'idée de se lancer dans l'aventure de la poésie qui, soit dit en passant, de nos jours, ne fait pas recette pour ceux qui se hasardent sur ce terrain-là. Pourquoi, à votre avis, les éditeurs refusent de publier la poésie? A mon humble avis, c'est un problème de rentabilité qui fait que les éditeurs ont tendance à s'orienter vers des créneaux plus juteux, comme celui du livre scolaire, du livre religieux, du roman, des contes pour enfants et enfin les livres des recettes culinaires qui sont dans leur grande majorité un vrai filon d'or. Ce faisant, la poésie est recalée à un rang moindre dans les préoccupations des éditeurs qui préfèrent miser sur le bon étalon, laissant loin derrière ce style d'écriture à l'agonie. Outre la poésie, qu'est-ce que vous avez produit? Outre la poésie avec deux recueils achevés et un troisième en voie de l'être, je dispose depuis un bon bout de temps déjà, d'un roman d'amour dans le genre mélodramatique, qui traite d'une histoire de coeur entre deux adolescents que tout sépare, à l'exception des sentiments. Les tabous, les préjugés et l'écart qui sépare les amoureux dans les couches sociales de la hiérarchie, ne sont pas faits pour arranger les choses, en plus du mépris affiché par les parents de la jeune fille qui la destinaient à un mariage d'intérêt, d'où l'impossible amour de se matérialiser par l'union. Après un accident de parcours, la jeune femme s'est retrouvée paraplégique dans des circonstances obscures, d'où une séparation forcée. Concours du destin ou providence, les retrouvailles dans une situation familiale différente après une séparation de plusieurs mois n'ont pas altéré leurs sentiments, pour se rendre en pèlerinage sur leur premier lieu de rendez-vous, là où le spectre de la mort par noyade a rendu l'usage de ses jambes à la jeune fille, tout en réservant un autre sort au garçon. Voilà en peu de mots, un bref synopsis du roman. Que pensez-vous de l'avenir de la poésie dans notre pays? Sans vouloir être un oiseau de mauvais augure, la poésie en Algérie n'a pas d'avenir si les responsables concernés du secteur de la culture ne prennent pas le taureau par les cornes pour tenter un tant soit peu de donner un nouveau souffle à ce style littéraire, d'autant plus que l'on voit mal comment la poésie sortira des sentiers battus de son enclavement, sans des rencontres constructives qui peuvent galvaniser l'amour de la lecture et le renouveau de la poésie, chez les jeunes d'aujourd'hui. Aussi, il faut impérativement donner un nouvel élan salvateur à ce mode d'expression, en prenant en charge l'édition de ce genre poétique très en vogue sous d'autres cieux. Il y a certains écrivains de renom qui ont fait de la poésie: Kateb Yacine, Rachid Boudjedra, Yasmina Mechakra et j'en passe. Pourquoi n'avez-vous pas essayé d'emprunter le même chemin? Il est a priori difficile de se mettre dans la peau des autres et à plus forte raison d'emprunter la voie suivie par ces auteurs qui ne sont pas à présenter, d'autant plus que ces derniers ont une grande notoriété dans le domaine de l'écriture dans sa globalité. Or, dans ce cadre précis, les éditeurs prennent en compte ce volet en misant sur cette renommée pour écouler sans trop de dégâts le produit édité. C'est une forme d'assurance pour contrer les impondérables qui peuvent éventuellement surgir lors de la mise du livre sur le marché. Voilà, grosso modo, mon opinion personnelle dans le domaine de l'édition. Enfin pour terminer, je vous remercie vivement pour m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur un sujet qui me tient énormément à coeur, sans oublier de saluer au passage toute l'équipe du journal L'Expression pour son professionnalisme dans sa mission d'informer et sa capacité d'oeuvrer au développement de la culture du verbe en Algérie. Un mot pour conclure? Je remercie vivement les responsables de l'Institut culturel italien qui ont bien voulu répondre aimablement à ma lettre accompagnée de quelques poèmes, en me priant de prendre connaissance sur le site, du programme culturel du centre et de prendre part, le cas échéant, à ces rencontres, et entrer en contact avec des gens du monde littéraire.