Sur les traces d'une civilisation millénaire. Le plus grand musée à ciel ouvert du monde accueille le souverain espagnol depuis hier. L'ancienne zaouia senoussite, devenue en 1910, Fort Charlet durant l'occupation française, puis transformée en résidence présidentielle sous l'ère Chadli, héberge, depuis hier, son hôte de marque, Sa Majesté le roi Juan Carlos Ier. Une occasion pour l'oasis de Djanet, considérée, à juste titre, comme la perle du Tassili, de se revêtir de ses plus beaux atours et de faire étalage de la variété de sa culture immatérielle, musique, chants et danses caractéristiques à la région: Imzad, Tahamat, Sebeïba. Ses anciens ksour, El Mihane, Azellouaz et son minaret du XVIIe siècle attesteront d'une architecture unique que tend à envahir parpaing et béton. Un mariage, une fusion non seulement de mauvais goût qui travestit et confère une image hideuse à un héritage architectural, dont il faut réhabiliter le savoir-faire pour préserver ce patrimoine unique en son genre. La promotion du secteur touristique figure en bonne place dans le plan de relance économique, initié par le chef de l'Etat, M.Abdelaziz Bouteflika, et les opérateurs espagnols ont affiché leur disponibilité à contribuer de manière efficace, en mettant au service des Algériens leur expérience et leur savoir-faire. Que manque-t-il, en fait, au Tassili pour faire du plus grand musée à ciel ouvert au monde un pôle incontournable du tourisme algérien, à l'instar de l'Ahaggar ou du tourisme saharien tout court? Tout y est. Manquent l'énergie et la volonté des hommes. Le Parc national du Tassili, 80.000km², classé patrimoine mondial par l'Unesco voilà plus de vingt ans, est considéré comme l'un des berceaux de l'humanité. Les abris et parois rocheuses, en grés, recèlent les plus belles peintures et gravures du monde, retraçant l'histoire d'une civilisation, plusieurs fois millénaire, par le biais de scènes quotidiennes exceptionnelles, bribes d'un mode de vie, d'une organisation sociale qui nous a conduits jusqu'à l'apparition de l'écriture, le Tifinagh. Le roi d'Espagne, la reine Sofia et la délégation qui les accompagne en sortiront, gageons-le, plus qu'éblouis. La région d'Iherir, quant à elle, classée réserve de la biosphère dont l'oued qui traverse le village éponyme pratiquement huit mois sur douze, regorge de gueltas permanentes qui abritent plusieurs variétés de poissons, en plus d'être une escale privilégiée d'espèces d'oiseaux migrateurs. Le ciel tassilien constitue un des parcours de migration des cigognes. La ville de Djanet ne dispose, cependant, que de trois structures d'accueil. Le Ténéré, à 10km de l'entrée de la ville, conçu de manière moderne, dont l'architecture est intégrée à l'environnement, l'hôtel Zeriba au centre-ville et l'Auberge de l'Office national algérien du tourisme (Onat), située en contrebas de l'ex-Fort Charlet et surplombant l'oasis de l'oued Idjeriou avec une vue imprenable sur les contreforts des monts tassiliens. Les agences de tourisme, qui s'étaient multipliées ces dernières années, se sont souvent heurtées à un problème de taille, lors de la tragédie nationale qui a, paradoxalement, nui de manière spectaculaire à une région, pourtant épargnée par les actes terroristes, la raréfaction des touristes. Et pourtant, ce n'est pas la faute d'avoir écumé les nombreuses foires internationales: Berlin, Paris, Londres, Madrid, Milan...ont été ciblées. Rien n'y fit. La destination Algérie n'était point recommandée. Les agences de tourisme ont échoué dans leurs tentatives de marketing. Manque de savoir-faire? Manque de professionnalisme ou manque de moyens tout court? De toutes les façons, tous s'accordent sur un point: la cherté du billet d'avion. Un aller-retour Alger-Djanet-Alger avoisine les 30.000DA. Ajouté à cela le peu de vols qui assurent cette desserte, pourtant tant convoitée, et cela donne la réponse schématisée d'un «fiasco touristique» qui représente l'une des principales activités économiques de la région. L'opportunité est offerte aux agences touristiques pour convaincre leurs hôtes espagnols d'un partenariat qui devrait s'avérer fructueux et exaltant pour le développement de la région.