En coulisse, les plus réalistes ne parlent plus de «non-prolifération», mais de «prolifération étroitement contrôlée». Un rapport classifié, émanant du Bureau de la sécurité nucléaire de l'Agence internationale à l'énergie atomique, vient de dévoiler comment des Etats se procurent discrètement, sur des marchés illicites, les composants nécessaires au développement d'un arsenal nucléaire. L'ampleur des trafics de réacteurs expérimentaux, de plutonium ou de logiciels de calcul dédiés, reste la question cruciale pour les diplomates, au moment où la doctrine de la non-prolifération s'est vue profondément remise en cause ces derniers mois. Géopolitique en a fait un large écho, dont nous reprenons les principaux points évoqués. Il s'agit en fait, du rapport confidentiel de l'agence atomique sur les trafics nucléaires pour la période 1993-2002, rédigé par Anita Nilsson, chef du Bureau de la sécurité nucléaire, un document strictement réservé aux fonctionnaires du Conseil de Sécurité de l'ONU, dont dépendent les travaux de l'Aiea. Il examine et détaille en 38 pages le rôle des organisations criminelles (russes et italiennes) dans ces trafics, les types de matériels disponibles au marché noir, et les failles dans les sites nucléaires officiels. On pense aussi que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine ont eux-mêmes organisé certains transferts de manière «contrôlée» au nom de calculs géopolitiques vers certain pays. La crise iranienne bien sûr, mais aussi le tir des Pakistanais, ce 23 février, d'un missile balistique longue portée à capacité nucléaire, quelques mois après l'essai d'une première arme nucléaire en Corée du Nord, ont récemment transformé l'enjeu des négociations internationales sur les armes nucléaires. Selon Géopolitique, en coulisse, les plus réalistes ne parlent plus de «non-prolifération», mais de «prolifération étroitement contrôlée». Les diplomates ne doivent plus obtenir la promesse, de la part d'un gouvernement étranger, qu'il n'engagera pas des programmes coûteux pour obtenir l'arme nucléaire et qu'il respectera sur ce point le droit international. Ils doivent plutôt proposer une contrepartie suffisamment attractive pour qu'il renonce à une technologie militaire de plus en plus accessible pour une vingtaine de pays. Cette évolution en dit long. Elle signe l'échec cuisant du club des cinq puissances atomiques sur le contrôle et le confinement de leurs technologies nucléaires et de leur savoir-faire intellectuel (dissémination des cerveaux). Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika lui-même, avait, lors de son intervention à l'occasion de l'ouverture de la conférence d'Alger sur les applications de l'énergie nucléaire en Afrique, soutenu le droit de l'Afrique à «tirer profit des progrès scientifiques et technologiques enregistrés dans le domaine nucléaire civil», précisant qu'«il y a un regain perceptible d'intérêt pour l'énergie nucléaire et son utilisation juste et démocratique à des fins exclusivement pacifiques». Particulièrement dans le continent africain où cette alternative s'impose pour un développement durable. Il a précisé en outre, que les applications de cette nouvelle source d'énergie «propre et adaptée à l'environnement» «ne sont pas hors de la portée des pays en développement et ne doivent pas constituer un privilège dont ne bénéficieraient que les pays dotés de bases industrielles et technologiques importantes». Un monopole de plus en plus contesté par les pays qui cherchent à sortir de la dépendance occidentale, en demandant leur part de la nouvelle technologie dans ses applications hors énergétique, notamment dans les domaines de la santé, de l'agriculture, de l'industrie et de l'environnement. Ce qui est présentement le cas de l'Algérie qui postule à jouer le rôle de locomotive dans ce domaine en Afrique.