L'égalité des genres risque de devenir un simple slogan de société. Quel rôle devra jouer la femme dans les pays méditerranéens, particulièrement au Maghreb? Le personnage féminin méditerranéen est mis, à nouveau, sous la loupe. L'institut IEMed a publié le numéro spécial de la revue Quaderns de la Mediterrània (Femmes dans le miroir méditerranéen) coïncidant avec la conférence des ministres Euromed sur les femmes qui s'est déroulée à Istanbul les 14 et 15 novembre de l'année écoulée. Le regard est tourné vers ce sujet depuis longtemps. Ce n'est plus un secret de famille. L'objectif du dossier, plutôt de la publication, toute originale, Les femmes dans le miroir méditerranéen est de donner la parole à la société civile. Le miroir reflète, en fait, les différentes tendances idéologiques. Le débat tend à nourrir le dialogue de réflexions substantielles et d'expliciter des initiatives positives dans le cadre de l'égalité des genres. Lequel principe risque de devenir un simple slogan de société. Des contributions de femmes et d'hommes qui, dans le monde associatif, universitaire, politique et artistique, concourent à la réflexion de façon ouverte et créative. Sophie Bessis, agrégée d'histoire, journaliste chargée de cours au département des sciences politiques à la Sorbonne, décide de briser le silence. «La condition des femmes, dans une grande partie des pays du sud de la Méditerranée, semble à première vue paradoxale.» D'après la journaliste, la mondialisation a eu beaucoup d'effets négatifs sur la vie de la femme méditerranéenne, notamment maghrébine. Néanmoins, ce processus a été accompagné par ce «qu'on pourrait appeler une mondialisation des droits». Une autre réalité, mais si alarmante. De nombreuses études qui ont été menées durant les deux dernières décennies concluent à une féminisation de la pauvreté partout dans le monde. D'un autre côté, la féminisation du marché du travail se fait aussi petit à petit dans les pays du sud de la Méditerranée. Une conclusion: «Economiquement catastrophiques souvent, socialement et idéologiquement ravageuses dans certains pays, les conséquences des bouleversements des deux dernières décennies sont donc plus complexes qu'on ne pourrait, à première vue, le croire.» Ainsi, lutter contre la précarisation et mettre à profit les nouveaux espaces de visibilité est si nécessaire pour étendre les droits des femmes. C'est le défi majeur, à en croire Sophie Bessis. Tassadit Yacine, ethnologue à l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris, pense que les femmes des régions du sud de la Méditerranée n'ont jamais fait parler autant d'elles que depuis quelques années. A l'origine de cette révolution, se trouve l'émergence des mouvements intégristes en Algérie, en Egypte et depuis peu dans tous les pays où l'Islam est la religion officielle. «Toute revendication qui sortirait d'un cadre, celui des islamistes, est considérée comme non fondée et surtout perçue comme une atteinte au dogme, ce qui ferait des femmes des exclues de la communauté des croyants, voire même des impies et des traîtres.» Il est donc difficile pour les femmes de trouver une expression en dehors de ce cadre. En toile de fond existe aussi, d'après Tassadit Yacine, des difficultés liées à la tradition et non à la religion proprement dite. Que dire encore de la séparation entre la charia et le droit coutumier...dont la pratique a disparu des villes, mais dont l'esprit reste encore très fort? Exemple: il est courant de voir, y compris dans les villes, les femmes renoncer à leur part d'héritage familial au profit du frère. Ainsi, pour éviter toutes les dérives, qu'elles émanent d'une vision extrémiste et religieuse ou d'une lecture occidentale qui réduit l'Islam à une seule vision, sa dimension juridique, il est important de se fonder sur l'histoire de chaque pays, voire de chaque groupe, pour en comprendre les modes de fonctionnement. Après tout, les changements que demandent les sociétés arabes doivent être le fruit de dynamiques internes des pays eux-mêmes et doivent être gérés dans le cadre d'un référent culturel arabo-islamique, conclut pour sa part, Carmelo Pérez Beltran, professeur de sociologie à l'Université du Canada. Cela veut dire que le modèle de la femme occidentale ne peut être une fin du processus d'émancipation chez la femme des pays du Sud.