Le rapport annuel « Mediterra 2008» du Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM) vient d'être publié. Il porte sur les futurs agricoles et alimentaires en Méditerranée. Ce nouveau rapport propose en effet une prospective de la situation agricole, alimentaire et rurale en Méditerranée à l'horizon 2020.Ce travail d'analyse parait dans un contexte marqué à la fois par le retour de l'agriculture sur le devant de la scène et la relance du débat politique quant aux modalités pratiques de la coopération méditerranéenne.Si l'on ajoute que ce rapport s'inscrit dans une période caractérisée par une sensibilité environnementale renforcée, des préoccupations alimentaires et nutritionnelles grandissantes ou de redécouverte de la question agricole et rurale comme pilier pour le développement des sociétés, force est de constater combien Mediterra 2008 parait être un outil stratégique pour penser les agricultures méditerranéennes et s'interroger sur leur avenir.Au final, ce rapport plaide pour l'émergence d'une solidarité agricole et environnementale à l'échelle euro-méditerranéenne. Dans un monde devenu polycentrique, l'Europe et la Méditerranée doivent impérativement s'associer pour ne pas s'affaiblir séparément.En tout cas, nombreux sont les facteurs expliquant les difficultés qui frappent la coopération euro-méditerranéenne. L'une des raisons tient au fait que certains secteurs stratégiques n'ont pas été suffisamment pris en compte. L'agriculture fait partie de ces champs peu explorés dans le cadre euro-méditerranéen.Et pourtant, la question agricole y occupe une place incontournable et stratégique. Incontournable parce que l'agriculture joue en Méditerranée un rôle fondamental dans les équilibres économiques, sociaux et territoriaux. Stratégique, parce que de son évolution et de son traitement dépendent non seulement des enjeux politiques et commerciaux forts mais également la volonté ou non de construire une Méditerranée plus solidaire. En novembre 2005, l'Union européenne (UE) s'est enfin décidée à ouvrir les négociations avec les pays partenaires méditerranéens (PPM) sur la libéralisation des échanges agricoles. Cette décision, somme toute importante, comporte néanmoins des enjeux et des risques qu'il convient de bien maîtriser. Comprendre pourquoi l'agriculture est si stratégique en Méditerranée et décrypter comment la perspective de libéralisation des échanges agricoles est en train d'évoluer doivent nous permettre de tracer quelques contours sur l'avenir de la Méditerranée. Un regard exploratoire sur l'agriculture en Méditerranée ne vise pas forcément de dresser un tableau exhaustif sur la situation agricole en Méditerranée mais plutôt à alerter sur les tendances lourdes, les défis émergents et l'enjeu de la sécurité alimentaire dans la région. Par ailleurs, la contribution de l'agriculture dans les économies nationales des Etats méditerranéens est particulièrement importante. Certes, la part du secteur agricole dans le produit intérieur brut (PIB) est très faible au Nord (2 à 3 % en moyenne) mis à part pour l'Albanie (25%). A l'inverse, au Sud, la croissance économique dépend souvent du dynamisme agricole. L'agriculture y est vitale pour les économies puisqu'elle pèse aujourd'hui pour 10 à 15 % du PIB (23% en Syrie et 17% au Maroc). Corrélativement, les biens agroalimentaires représentent une part non négligeable dans les échanges commerciaux des pays méditerranéens. La part des produits agricoles dans les importations totales représente toujours 5 à 10% dans les pays du Nord (19% en Albanie) et 10 à 20% dans les pays du Sud (23% en Algérie). Les exportations agricoles demeurent tout aussi stratégiques (entre 15 et 25% des exportations globales) dans les économies nationales de nombreux pays (Grèce, Liban, Chypre, Jordanie et Territoires palestiniens et, dans une moindre mesure, France, Espagne, Maroc et Egypte).Néanmoins, sur les principaux défis actuels de l'agriculture en Méditerranée, il importe de signaler le développement rapide de la malnutrition. En effet, on constate que le mode alimentaire se transforme dans de nombreux pays méditerranéens, en particulier au Maghreb. Ces derniers, par mimétisme, s'alignent sur le modèle de consommation occidental pour ne pas dire nord-américain. Si globalement la sécurité alimentaire quantitative est préservée au Sud de la Méditerranée, une insécurité qualitative tend à s'installer. Tout autant que l'urbanisation des sociétés et l'essor des femmes sur le marché du travail, l'arrivée de la grande distribution (avec l'implantation des hypermarchés à la périphérie des grandes villes) bouleverse certaines habitudes. Comme miroir à ces nouveaux comportements alimentaires, la progression du surpoids et de l'obésité qui frappent les nouvelles générations (au Maghreb, l'obésité touche aujourd'hui 17% des enfants de moins de 5 ans contre 7% en 1995). La sécurité alimentaire dans ces pays s'est certes globalement améliorée en termes quantitatifs, mais au prix de plus de disparités internes (fracture urbain/rural) et plus de dépendance pour ses approvisionnements. Si l'on mesure le taux de couverture alimentaire du Maghreb, on observe ainsi que de 1970 à 2000, il a été divisé par quatre, passant de 116 à 23%.