La loi martiale décrétée, jeudi, par le président sortant, Didier Ratsiraka, est demeurée sans effet sur les manifestants pro-Ravalomanana La grande île africaine de Madagascar se trouve confrontée depuis plusieurs mois à une crise institutionnelle induite par un problème juridico-politique à l'évidence insoluble. La situation prévalant aujourd'hui dans la grande île est provoquée par les résultats controversés du scrutin présidentiel de décembre 2001. Le candidat de l'opposition Marc Ravalomanana, estimant avoir remporté la présidentielle, refuse l'organisation d'un second tour comme l'avait préconisé la commission de surveillance du scrutin. Durant tout le mois de février, après la publication officielle des résultats, les partisans du candidat de l'opposition ont organisé des sit-in, des grèves tournantes, des manifestations, bloquant toute activité dans la capitale malgache. La crise est encore montée d'un cran lorsque Marc Ravalomanana s'est autoproclamé, la semaine dernière, président. De fait, M Ravalomanana a présenté, hier, à la presse son «gouvernement» de 26 ministres conduits par un Premier ministre technocrate. Le couvre-feu et la loi martiale promulgués par le président sortant, Didier Ratsiraka, n'ont pas eu d'incidences apaisantes sur la situation à Antananarivo où la population continue d'occuper la rue. Ainsi, le bras de fer opposant le président sortant, Didier Ratsiraka, à son concurrent à la présidentielle, le maire d'Antananarivo, est-il entré ces derniers jours dans une phase nouvelle. L'entrée en vigueur de la loi martiale de laquelle, sans doute, il était attendue, à tout le moins, qu'elle calme les esprits n'a pas eu l'effet escompté et n'a pas découragé les partisans de M. Ravalomanana. C'est ainsi que le «Premier ministre» du gouvernement du président «autoproclamé», Jacques Sylla, explique: «Pour nous, la loi martiale n'existe pas. Nous sommes ouverts au dialogue, mais seulement au dialogue positif», affirmant: «Le gouvernement vient juste d'être nommé, nous allons progressivement prendre le pouvoir effectif.» La mobilisation des partisans du candidat de l'opposition, qui dure depuis plus d'un mois, n'a pas fléchi et il devient évident que seul le dialogue, entre les deux camps, permettra de revenir à la légitimité aujourd'hui en suspens à Madagascar. Cependant ce qui est remarquable dans cette crise institutionnelle, la première du genre depuis l'établissement du multipartisme dans la grande île, c'est la neutralité observée par l'armée qui, jusqu'ici, est demeurée en dehors de la controverse politique opposant MM.Ratsiraka et Ravalomanana. Nommé gouverneur militaire d'Antananarivo dans le cadre de la loi martiale, le général Léon-Claude Raveloarison affirme d'emblée «un recours éventuel à la force (ouverture du feu sur les manifestants) constituerait le dernier recours». expliquant: «Mon premier souci n'est pas d'aller à l'affrontement, mais de négocier», insistant: «J'entends d'abord privilégier la négociation» en réitérant: «Il faut à tout prix tenter de résoudre le problème ensemble avec le camp de Marc Ravalomanana dans un cadre serein, c'est-à-dire d'abord privilégier la négociation», annonçant, en outre, que, de fait, celle-ci «est déjà en cours» entre les partisans du président sortant et du président «autoproclamé». Les Malgaches se sont ainsi mis à arpenter le dur chemin de la démocratie et à aller à la découverte des arcanes de la bonne gouvernance. De fait, la crise institutionnelle à Madagascar témoigne parfaitement de la difficulté qu'ont les Africains à se départir de notions qui ont gouverné leur vie depuis les indépendances. Les fraudes électorales, de même que le fait de ne point reconnaître un résultat, lorsqu'il est contraire, est une des séquelles de la persistance du concept de «l'homme fort» qui fit beaucoup de mal au continent africain.