Bien que poussés à la négociation, Rajoelina et Ravalomanana campent sur leurs positions. Inflexible, l'ex-maire d'Antananarivo, qui a pris la tête de l'opposition, a décrété la désobéissance à partir d'aujourd'hui. Madagascar risque le pire. Pourtant, ce ne sont pas les initiatives de médiations qui auront manqué. Après l'UA et des pays de la région, la France a aussi essayé sa médiation dans le conflit qui oppose le président malgache au maire de sa capitale. En visite sur l'île, le secrétaire d'Etat à la Coopération de Nicolas Sarkozy a même assuré la fin de la crise après avoir rencontré les protagonistes. L'ex-maire s'en est tenu à sa revendication : le départ du président malgache. L'émissaire de Sarkozy a été trop vite en besogne et surtout a fait preuve de méconnaissances des réalités malgaches, notamment des ressentiments qui départagent le président et l'ex-maire. Le dialogue ouvert entre Ravalomanana et Rajoelina, en réalité sous le seul parrainage de représentants du Conseil des quatre Eglises (catholiques et protestantes) qui sont très importantes à Madagascar, n'a pas porté ses fruits. Pourtant aussi le représentant de la France ne faisait qu'accompagner une délégation de la Commission de l'océan Indien (COI, qui regroupe Madagascar, les Comores, Maurice et les Seychelles). L'Elysée a omis le fait que son ex-colonie ne fait plus partie de la Françafrique. Ravalomanana, qui a eu des déboires avec l'Elysée après son coup de force d'il y a huit ans, avait tôt fait de défaire les liens ombilicaux de son pays avec Paris. De toutes les façons le dialogue entre les parties malgaches en crise ne pouvait être q'un dialogue de sourds, les deux protagonistes campant sur leurs positions respectives et exclusives. Rajoelina a pris la tête d'une “Haute autorité de transition” et compose son équipe, appelée dans son esprit à supplanter le président qui, lui, a l'armée en mains et bénéficie de l'appui symbolique de l'Union africaine, d'autant que le prochain sommet africain devrait se tenir en juillet à Madagascar. Mais dans l'affaire, une centaine de Malgaches sont morts depuis le 26 janvier dans les violences qui ont émaillé le conflit entre les deux hommes, dont au moins 28 tués le 7 février à bout portant par la Garde présidentielle. D'ailleurs, l'UA se fait discrète, son envoyé à Madagascar, Amara Essy, a affirmé qu'il s'agit en premier lieu d'un conflit interne entre un président élu et son opposant, et qu'il appartient aux Malgaches de régler un problème interne ! “Nous sommes venus pour écouter les uns et les autres, nous sommes là pour les assister et voir comment on peut faire pour aider les uns et les autres, pour que ‘le fihavanana' (lien fraternel) puisse prévaloir et qu'on puisse trouver la solution à ce conflit”, s'est-il contenté de prier, exhortant les deux parties à sauvegarder le prochain sommet de l'Union africaine qui aura lieu à Madagascar. Amara Essy, ancien ministre ivoirien des AE, a déjà essuyé un échec à Madagascar lorsqu'il avait été dépêché par l'OUA pour régler la crise politique due au bras de fer entre Ravalomanana et le président de l'époque Didier Ratsiraka en 2002. Essy, à ce moment-là était secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine. Tandis que les médiateurs internationaux ont exprimé leur confiance dans la volonté des deux rivaux à continuer les négociations, le maire déchu d'Antananarivo a déclaré ne pas refuser le dialogue, mais “pas avec le président Marc Ravalomanana”. Lors des rencontres avec le sous-secrétaire général des Nations unies chargé des Affaires politiques, Haile Menkerios, Ravalomanana et Rajoelina ont tous deux déclaré accepter le chef de l'ONU Ban Ki-moon comme facilitateur du dialogue. Rajoelina a toutefois exigé que le président Ravalomanana soit traduit en justice pour l'effusion de sang, avant la mise en place d'un gouvernement de transition et l'organisation d'une élection nationale. Madagascar est loin de sortir de l'auberge. Le pays est l'objet dorénavant de manifestations en parallèles : celles de l'opposition et celles du parti au pouvoir, le TIM (J'aime Madagascar). Ponctuées par la désobéissance civile. Un petit rien, et c'est la déflagration. D. Bouatta