«Le monde de l'après-guerre froide remodèle son visage en dehors des «logiques» d'Etats et d'empires traditionnels.» Il n'est point facile, même pour un pays comme la France, de s'adapter aux grandes et impétueuses mutations du monde. Des mutations nouvelles, différentes et étrangères aux processus de formation et de développement de ses legs politico-historiques et économiques jacobins. A la tradition «latine» s'est substituée une autre, «anglo-saxonne» plus souple et plus ouverte. De l'intellectualisme et de la culture du bilan renvoyant à la question du «pourquoi l'échec», le monde de l'après-guerre froide remodèle, au fur et à mesure, son visage en dehors des «logiques» d'Etats et d'empires traditionnels. De nouvelles mentalités s'installent et d'autres «identités» tendent à se greffer tant bien que mal. Sa seule et unique appréhension, a contrario, s'identifie exclusivement au «comment réussir». Nul n'est à l'abri de cette métamorphose profitable pour les uns et destructrice pour les autres. En opposition à son objectif d'intégration, la machine sans état d'âme de la mondialisation démantibule toutes les architectures, y compris celles des pays ou blocs fonctionnels. Il est, par conséquent, clair que l'enjeu majeur de toute adéquation avec les exigences de cette «transition» à l'échelle planétaire, n'affectera pas seulement «l'idéologique» mais les systèmes paradigmatiques dans leurs fondements et actions. Ceci dit, toute résistance et/ou report de choix stratégiques immédiats se répercutera sans tarder sur les capacités de tel ou tel pays à se définir une place ou un rôle d'importance. C'est le cas, de mon point de vue, de la France d'aujourd'hui qui n'arrive plus, en raison de ses problèmes internes et des rivalités meurtrières externes, ni à accepter le changement comme «fait accompli», ni à libérer sa «volonté de puissance» intrinsèque. Elle est, de ce fait, sérieusement piégée par un double paradoxe disons-le «à la française»: plus grande que son statut actuel à l'intérieur de l'Europe et dans le monde et plus petite que ses propres ambitions géostratégiques et de puissance. Aussi, cette dualité fragilisante est ostensiblement l'une des caractéristiques fondamentales du débat politique et philosophique en France. Cette France qui, à une autre ère faut-il le rappeler, était actrice des lumières européennes, se trouve depuis quelques décades, malgré ses apparences, en panne d'élites et de projet de société alternatif. Bien que traduit par une certaine démarche, jusque-là floue, de «rupture» et de «renouveau», à gauche comme à droite, le discours politico-intellectuel français connaît, dans ses concepts et porte-parole, une crise structurelle profonde. Essoufflés par les différentes crises et fractures, le gaullisme et le socialisme, du fait de la bipolarisation locale et de leur monopole de l'exercice du pouvoir, ont étouffé l'émergence de toute idée novatrice et de toute «société libre et nouvelle». Ce qui rend la tâche du prochain Exécutif encore plus difficultueuse. Cet Exécutif qui doit, non seulement savoir réactiver le catalyseur du consensus et de l'économie, mais aussi et principalement regagner la confiance des anciens alliés de la France, tentés ou appelés à changer légitimement de partenaire(s). Alors qui a dit que la peur était le propre des «faibles»? Et la France de demain pourra-t-elle juguler sa fragilité et réussir sa renaissance?!