L'instabilité des relations politiques intermaghrébines a, de tout temps, été mise à profit par l'Europe qui déroule sa stratégie dans la région, à moindre perte. L'Union du Maghreb arabe (UMA) sera-t-elle réactivée sur de nouvelles bases, plus économiques que politiques? C'est ce qui ressort à travers les déclarations de son secrétaire général, M.Habib Benyahia, faites lors d'une conférence sur l'évolution du Maghreb prononcée à l'Institut royal d'Egmont, à Bruxelles (Belgique). M.Benyahia était, hier, en visite officielle au siège de l'Union européenne (UE) pour relancer un projet de coopération bilatérale. Il est même question d'un sommet UMA-UE qui pourrait avoir lieu durant le second semestre de l'année en cours après seize années d'interruption du dialogue entre les deux parties. Même si la formule de la rencontre reste à trouver pour représenter les 27 pays de l'UE et les 5 pays maghrébins. Une coopération entre les deux entités devient incontournable au vu des derniers développements survenus dans la région: croissance et généralisation du phénomène de l'immigration légale et clandestine, l'apparition d'un nouveau type de terrorisme (kamikaze) inconnu jusque-là dans toute la région et étranger aux moeurs des sociétés méditerranéennes et le problème de la sécurité, en général, qui menace la stabilité des pays de part et d'autre de la rive de mare Nostrum qui ont déjà signé, de façon unilatérale, des accords d'association. Comme c'est le cas de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc alors qu'il aurait été plus profitable, surtout aux pays maghrébins, de traiter en bloc avec le partenaire européen. Mais il se trouve que l'instabilité des relations politiques intermaghrébines a, de tout temps, été mise à profit par l'Europe qui déroule sa stratégie dans la région, à moindre perte. L'UE, de par sa proximité avec la région de l'Afrique du Nord, n'a de cesse de montrer son entière disponibilité à la mise en oeuvre d'un partenariat économique pour assurer un développement dans la région, synonyme de stabilité et de limitation du flux migratoire qui commence à ébranler certains pays. D'autant plus que l'écueil libyen qui a, jusque-là, bloqué toute marche du processus de partenariat Europe-maghreb est désormais levé puisque l'affaire dite Lockerbie a trouvé un terrain d'entente et l'embargo décidé conjointement avec les Américains contre la Libye est définitivement levé. Ce qui a fait dire à M.Benyahia, à l'adresse de son auditoire européen, «nous méritons une plus grande attention». Mais pour ce faire, les pays membres de l'UMA savent qu'ils sont appelés d'abord à resserrer leurs rangs, en finir avec les querelles cycliques, évacuer les entraves bureaucratiques, faciliter la circulation des biens et des personnes et surtout poser les jalons d'une coopération à l'intérieur de l'espace maghrébin pour donner des gages de réussite à leurs partenaires qui doivent se comporter comme tels pour «ne pas exacerber les mésententes», comme a tenu à le souligner le porte-parole de l'UMA. Ce dernier a estimé que le ralentissement de l'action de l'UMA, durant la dernière décennie, était dû, notamment aux lenteurs du processus de décision et l'extraversion économique de ses pays membres qui représentent un marché de 80 millions d'habitants (120 millions en 2030). Les échanges intermaghrébins sont faibles (3%), mais, selon une étude de la Banque mondiale, l'intégration augmenterait de près de 2 à 2,5 points la croissance, créerait 20.000 emplois dans chaque pays et multiplierait par 10 les exportations. Le processus de relance entamé, en cours depuis 2001, prévoit d'y remédier par une politique de décentralisation des décisions de l'UMA en insufflant une autre manière de gérer les relations intermaghrébines en impliquant plus les conseils ministériels et sectoriels pour ne laisser au Sommet des chefs d'Etat que l'aspect politique et la ligne de conduite générale. Il est également prévu d'introduire un modèle de gestion plus démocratique du Conseil consultatif maghrébin dont les membres seraient élus au suffrage universel. M.Benyahia s'est montré, à ce sujet, très confiant sur l'avenir de l'Union maghrébine, annonçant pour illustrer son optimisme, le projet de création de la Zone de libre-échange (ZLE), l'union douanière et un marché commun. Le projet de ZLE, qui sera finalisé avant la fin de l'année en cours, sera fondé sur la libre circulation des facteurs de production et l'harmonisation des politiques sociales, environnementales et culturelles. Comme il est question de la création d‘une communauté économique maghrébine qui permettra d'associer le patronat et l'ensemble des forces vives du Maghreb.