«Tout n'est qu'agitation. L'Algérie a trop perdu de temps. Et la relève tarde à venir», a confié cet homme de théâtre, le coeur gros... Le comédien n'a pas sa langue dans la poche, ou, plutôt, il dit sa vérité avec simplicité et étonnement du haut de ses 30 ou 40 ans de métier durant lesquels il a eu à investir de nombreuses scènes et planches de théâtre, sans oublier ses nombreuses apparitions télé et cinématographiques qui ne laissent jamais personne indifférent. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus comme avant. Aigri, Sid-Ali Kouiret serait victime de son succès puisqu'il nous confiera, lors de notre rencontre pour la rubrique «A Coeur ouvert»: «J'ai des centaines de kilomètres de scène et autant de pellicules dans mes pieds, mais aujourd'hui, on vous met de côté. On vous écarte. Pourquoi? Ce n'est pas à moi de répondre. Il y a une rumeur me concernant qui circule, comme quoi je coûte cher, qu'on me paye en devises. Or, je vous certifie que je n'ai jamais parlé de cachet. Avec plus de 30 films, à l'époque, je n'ai jamais pu me payer une voiture. J'ai fait un feuilleton en France, j'ai construit une maison, j'ai acheté une voiture et d'autres choses...» Un constat amer qui en dit long sur le statut de l'artiste en Algérie. Et pourtant, quand vous évoquez ce terme avec Sid-Ali Kouiret, il vous répond tout de go, qu'il n'en a cure, seul compte pour lui la reconnaissance incommensurable que lui témoigne le public: «Le statut auquel aspire tout artiste est le statut que vous donne le public. Avant de songer à l'artiste, donnons d'abord ce statut à la profession!» Et d'ajouter: «Il faut que l'Etat veille à faire travailler aussi ses artistes. Au cinéma, il y a un bonhomme qui est là et exige la qualité, c'est le public. A la demande on ne leur exige pas des comptes.(..) Je vois sur les plateaux un manque flagrant de professionnalisme. On n'a pas mis les anciens à leur place, c'est pourquoi il n'y a pas de tête d'affiche; si on veut passer des messages via un théâtre de qualité, il faut des têtes d'affiche.» Ici Sid-Ali Kouiret met sensiblement l'accent sur le manque de formation et de compétences, et surtout de relève qui tarde à venir. S'agissant de l'événement qui marque cette année 2007, à savoir «Alger, capitale de la culture arabe», Sid-Ali Kouiret soulignera sa totale implication dans cet événement de par cette notion d'arabité partagée avec le reste des pays. «Je me sens responsable de la réussite de cette année, quitte à ramasser les ordures par terre pour la bonne image de notre pays. Pour tout ce qui est organisé en ce sens, je me sens directement concerné.» Cependant, revenant à la qualité de cette production théâtrale présente, le comédien avoue: «Je ne suis pas convaincu par le travail de certains metteurs en scène. A mon avis, ce n'est pas de la trempe d'un Mahieddine Bachtarzi ou de Mustapha Kateb. Non seulement, ils ont fait aimer le théâtre mais ils ont aussi contribué à faire émerger des têtes d'affiche et à éduquer le peuple. J'ai vu Le Fleuve détournée. Là, il y avait un bon travail. A la base, quand on a un bon auteur, le reste suit. Toutefois, on ressent le fait que certains comédiens veulent décoller. Ils apportent, certes, de l'émotion mais sans plus». Encore une fois, Sid-Ali Kouiret insiste sur le manque de bons encadreurs dans le domaine qu'il faut. «Même si on donne l'impression qu'il y a une activité, au fond ce n'est qu'une agitation...(...) On est obligé de passer par là. Seulement, l'Algérie a perdu trop de temps. Il est inconcevable que lorsqu'on était 7 millions d'Algériens, on avait des acteurs à la pelle qui ont crevé l'écran, maintenant qu'on approche les 35 millions, y en a presque plus. Et là, je dis que pour dénicher des talents pour la scène, il faut avoir autant de talent!». Enfin, interrogé sur l'adaptation sur la scène nationale et à l'étranger de textes d'auteurs contemporains arabes à l'instar de Alloula ou de Kateb, Yacine, Sid-Ali Kouiret n'ira pas de main morte en faisant remarquer clairement son antipathie à l'égard de certains «opportunistes» qui, «quand ils ne réussissent pas dans une chose, sautent sur une autre. Les gens nuls, je les connais. Ce n'est pas parce qu'on aime le théâtre, qu'on est un homme de théâtre.» Voilà ce qu'on appelle un coup de théâtre! Ce que, au demeurant, affectionne Sid-Ali Kouiret...