L'ancien chef de gouvernement reproche à son successeur de vouloir s'approprier les dernières augmentations des salaires. La guerre est ouverte entre Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND et le patron du vieux parti, Abdelaziz Belkhadem. Les deux hommes ne ratent, pratiquement, aucune occasion pour solder leurs comptes, mais dans un habillage plus subtil et diplomatique. Tout en veillant à mettre la forme et à observer la correction, les deux membres de l'Alliance ne lésinent pas sur les mots. Le fossé entre les deux hommes est tellement profond que leurs divergences par rapport au dossier économique ne font, en réalité, que confirmer leurs références idéologiques diamétralement opposées. Encore une fois, Ahmed Ouyahia a accusé, hier, son allié stratégique et néanmoins actuel chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, de mentir aux Algériens, en prenant des décisions économiques, «populistes vouées à l'échec». A partir de la salle omnisports de Bordj El Kiffan, où il a animé un meeting populaire, Ouyahia a décidé d'amorcer sa nouvelle stratégie électorale, plus offensive et moins complaisante à l'égard de ses partenaires. Le premier désaccord a trait à la question des salaires. En termes plus clairs, Ouyahia reproche à son successeur au gouvernement, de vouloir s'approprier les dernières augmentations des salaires à des fins purement électoralistes. «Des augmentations ont été décidées par le passé, même lorsqu'il n'y avait pas cette aisance financière. La dernière révision des salaires vient conforter les efforts entrepris pas les différents chefs de gouvernement qui se sont succédé», a-t-il lancé à l'assistance, composée de militants, de sympathisants ou de simples curieux venus écouter l'ex-chef de gouvernement. A noter que lors de son passage au forum de l'Entv, Abdelaziz Belkhadem, tout en se félicitant de la décision, avait affirmé que l'augmentation des salaires a mis du baume dans le coeur des travailleurs. Il saisit l'occasion pour répondre aux critiques de son prédécesseur à la tête de l'Exécutif et sur le même plateau de télévision, qualifiant l'augmentation des salaires de «populiste et démagogique». Plus critique, Ouyahia accuse le secrétaire général du FLN «d'hypocrisie politique». Etayant ses propos, il cite, de prime abord, les centaines d'entreprises publiques déstructurées, incapables de payer les arriérés de salaires. «Comment voulez-vous dans ce cas-là, que les travailleurs perçoivent leurs augmentations.» Pour Ouyahia, les partis politiques se doivent de plaider la cause des citoyens qui exercent des professions libérales. Ouyahia a annoncé une série de mesures qu'il s'engage à mettre en oeuvre si son parti a la majorité, le 18 mai. Des mesures, pour le moins qu'on puisse dire, très attrayantes. L'on citera, principalement, la mise en place d'un nouveau système d'octroi d'une nouvelle ligne de crédit-logement, sans intérêt, au profit des travailleurs, soutenue par le Trésor public, et l'aide à la location. L'ex-chef de gouvernement préconise la cession des terres agricoles à des prix «raisonnables.» «Le RND est partisan de l'idée de transformer les différentes primes de cette catégorie comme salaire de base, afin de permettre aux fonctionnaires d'avoir des retraites décentes», a-t-il affirmé. Plus offensif, Ahmed Ouyahia estime que le pays qui n'entretient pas la classe moyenne, se positionne dans une zone à haut risque. «A un certain niveau, tel que celui des professeurs universitaires et des spécialistes en médecine, il est impératif que les salaires sortent des limites de la Fonction publique», a indiqué M.Ouyahia. En somme, ces mesures entrent dans le cadre des 140 propositions que le parti de M.Ouyahia compte mettre en oeuvre pour «renforcer» et rendre plus efficace le programme de la relance économique initié par le chef de l'Etat. D'ailleurs, lors de son intervention, la semaine dernière, sur les ondes de la Radio, Abdelaziz Belkhadem avait défendu l'action de son gouvernement, estimant que les objectifs tracés ont été concrétisés. Il répondait, bien sûr à Ahmed Ouyahia qui soutenait le contraire. Jeudi, à Bordj El Kiffan, Ouyahia s'est longuement étalé sur le volet social de son programme. Ce dernier s'étend, également, aux élèves nécessiteux, auxquels l'Etat devra porter assistance, en leur octroyant une bourse de 500DA par mois. «Les 4 millions d'élèves, ajoute-t-il, nécessitent une enveloppe financière de 18 milliards de DA, du moment que le budget annuel du secteur de l'éducation nationale est de 300 milliards de DA.». Sur un autre plan, le RND remet en cause la stratégie industrielle de Hamid Temmar, et exhorte le gouvernement à revoir sa politique de privatisation. Dans l'après-midi, Ouyahia a insisté, à partir de Boudouaou où il a animé un deuxième meeting, sur la prise en charge des familles victimes du terrorisme, estimant que son parti est un «éradicateur» lorsqu'il s'agit de combattre le terrorisme et «un réconciliateur» lorsqu'il s'agit de rassembler les Algériens. «Il ne peut y avoir une réconciliation nationale globale sans la prise en charge des victimes du terrorisme», a souligné M.Ouyahia. Le responsable du RND a cité l'exemple des patriotes, notamment ceux de la wilaya de Boumerdès, et dont la plupart sont, selon lui, livrés, aujourd'hui, à eux-mêmes. «Je propose aux patriotes qui n'ont aucun revenu d'intégrer les corps de la police, de la Gendarmerie nationale ou de la garde communale, alors que ceux d'entre eux qui sont âgés doivent recevoir une aide de l'Etat, en matière d'investissement agricole». A noter, également, que M.Belkhadem s'est démarqué de la circulaire signée par son prédécesseur, M.Ahmed Ouyahia, relative au monopole de l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep) sur la publicité: «Je peux vous assurer que depuis mon arrivée à la tête du gouvernement, aucune instruction n'a été donnée à l'Anep au sujet de la publicité destinée à la presse». Un autre indice et non des moindres, qui témoigne de la guéguerre entre Ouyahia et Belkhadem.