«Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite parce qu'il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela, faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.» Pascal La citation de Pascal semble assez bien illustrer le problème auquel se voit confrontée la société internationale d'aujourd'hui. Pour Saint Thomas d'Aquin, le principe de la «guerre juste» exige qu'une guerre juste conduite sous l'autorité d'un prince a pour but de promouvoir le bien et non le mal. Or, la question du bien et du mal, seule l'Eglise peut la trancher et, par conséquent, c'est sous l'auspice de l'Eglise qu'une guerre est commencée. On sait qu'il n'existe plus depuis 1989, de recours crédible pour rendre la justice. L'ONU ayant «moralement» démissionné au profit de l'empire. Que reste-t-il, en effet, de l'ONU qui a légitimité le scandale du «pétrole contre nourriture?» scandale dans lequel les dirigeants de l'ONU se sont enrichis sur la ration de survie: le lait des malheureux enfants irakiens. Nous avions dénoncé à l'époque cette non-assistance à peuple en danger. Souvenons-nous, le programme «pétrole contre nourriture» a été créé par le Conseil de sécurité en fait par le forcing américain, le 14 avril 1995. Environ 3,4 milliards de barils de pétrole iraquien, estimés à près de 65 milliards de dollars, ont été exportés dans le cadre de ce programme entre décembre 1996 et le 20 mars 2003, date de la «libération» de l'Irak. L'équivalent de près de 31 milliards de dollars de fournitures et de matériel humanitaire a été livré à l'Irak entre le 20 mars 1997 et le 21 novembre 2003. Le solde a été consacré: aux réparations afférentes à la guerre du Golfe, l'indemnisation du Koweït et des «alliés», aux dépenses administratives de l'ONU au titre du programme; et aux dépenses afférentes au programme d'inspection des armes. Moins de la moitié a été consacré au fonctionnement de l'Etat irakien. C'est un gigantesque racket qui ne veut pas dire son nom. De plus, entre 1996 et 2003, le programme «pétrole contre nourriture» aurait permis a certains hauts fonctionnaires des Nations unies d'empocher des commissions substantielles, notamment le responsable du programme, M.Benon Sevan. De plus, le président de la Commission d'enquête a souligné que le secrétaire général, Kofi Anan, n'est pas exonéré de toute responsabilité dans cette affaire. La détresse irakienne Il pourrait y avoir eu un trafic d'influence de Kofi Anan dans l'attribution de contrats de l'ONU en faveur de la société qui employait son fils, Kojo Anan. On sait, par ailleurs, qu'aucune décision d'achat n'était possible sans l'aval des Etats-Unis qui, avec le Royaume-Uni, a bloqué des contrats pour des centaines de millions de dollars, sous prétexte que certains produits risquaient d'être utilisés pour un programme d'armes de destruction massive -dont on sait maintenant qu'il n'avait d'existence que dans l'imagination des stratèges de Washington. Le programme était donc sous contrôle étroit et si des failles ont existé, les Etats-Unis portent au moins une responsabilité équivalente à celle des Nations unies. Cependant, non seulement les enquêtes ont été étouffées en condamnant quelques lampistes mais, plus grave encore, l'ONU recevait le prix Nobel pour ses actions humanitaires!(1) L'ONU «ce grand machin» pour paraphraser De Gaulle, est devenue, de fait, une chambre d'enregistrement où cinq compères -les membres du Conseil de sécurité- s'occupent de leur sécurité et de leurs intérêts par veto interposé. Souvenons-nous des 500.000 enfants irakiens morts des sanctions économiques infligées à leur pays: sont-ils morts pour rien? Pour Madeleine Albright,: «Ce n'est pas cher payé si c'est le prix à payer pour faire partir Saddam». Saddam est parti et les enfants irakiens meurent toujours.(2). Le monde devenu unipolaire comptabilise les «dérives» successives de la première puissance. Cela a commencé en 1991 quand 26 nations dont 8 arabes ont écrasé le petit peuple irakien, il s'est poursuivi avec le scandale de Guantanamo; les détenus attendent toujours d'être jugés dans des conditions effroyables. Cela a repris le 17 mars 2003 avec la chute et le lynchage de Saddam Hussein avec en prime, une guerre civile, fruit du réveil des vieux démons attisés par les voisins de l'Irak. Depuis plus de quatre ans et 1 million de morts plus tard, la démocratie aéroportée n'a pas pu s'imposer au pays des deux fleuves «bilad arrafidin». Où en sommes-nous en ce début mai 2007? Dès lors, on comprend que l'hyperpuissance américaine impose, de plus en plus, sa vision du monde. Pour rappel, le rapport Baker en octobre 2006, avait «conseillé» au président Bush de quitter rapidement l'Irak. Les élections à mi-mandat ont donné la majorité aux démocrates- partisans d'un retrait- dans les deux chambres. Rien n'y fait, G.W.Bush campe sur ses positions. La Chambre des Représentants n'a pas pu, passer outre le veto que George W.Bush a opposé. C'est une défaite pour les opposants démocrates à la guerre.(3). Bush réclame 100 milliards de dollars pour financer l'effort de guerre en Irak et en Afghanistan, Harry Reid, chef de la majorité démocrate au Sénat américain, affirme que la guerre est perdue en Irak. On ne peut gagner la guerre (d'Irak) que diplomatiquement, politiquement et économiquement, il faut que le président en prenne conscience.(4). Le sociologue, Adnan Yacine Mustafa, auteur d'une étude sur la société irakienne actuelle, estime que la vie en Irak occupé est une série ininterrompue de massacres quotidiens, 100 veuves et 400 orphelins chaque jour à Baghdad - 900.000 orphelins en 4 ans, croissance du taux de divorce de 200% et baisse de celui des mariages de 50%! Alors que les rapports officiels irakiens estiment que le nombre d'orphelins a dépassé le chiffre de 900.000 en 4 ans, une étude réalisée par un sociologue irakien est venue confirmer la grave détérioration de la situation sociale en avançant «qu'il y a chaque jour 100 veuves et 400 orphelins de plus à Baghdad», conséquence de la violence qui sévit depuis des années et que rien ne semble pouvoir arrêter.(5). Et le sociologue d'ajouter que «la société irakienne s'est complètement effondrée après la série de coups mortels qu'elle a reçus au cours des deux guerres des décennies 1980 et 1990, d'un boycott qui a duré 10 ans et d'une occupation qui a commencé, dès son installation en 2003, par démanteler les institutions de l'Etat et détruire l'infrastructure du pays». Le mépris et les mauvais traitements que les forces d'occupation font subir aux citoyens, ont porté les tensions sociales à leur paroxysme et fait perdre aux gens leurs repères. La guerre et les luttes interconfessionnelles ont eu aussi une grande incidence sur la dégradation de l'environnement dans le pays. Des centaines de milliers de gens sont ainsi menacés constamment dans leur vie et notamment ceux qui ont perdu leurs maisons et qui vivent dans des camps de fortune.(5). Jeudi 3 mai, la communauté internationale, réunie à Charm el-Cheikh, a adopté, à l'unanimité, le Contrat international d'objectifs pour l'Irak (ICI), un plan quinquennal visant à aider le pays à sortir du chaos et de la banqueroute et le mener vers la stabilité. Cette conférence fait suite à celle qui s'est tenue sans résultat le 10 mars. Lancée le 28 juillet 2006 par Baghdad et les Nations unies avec le soutien de la Banque mondiale, l'initiative prévoit de renforcer la sécurité et de redresser l'économie en Irak, où les violences font rage depuis quatre ans. La conférence, a également permis à la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice de rencontrer ses homologues d'Iran et de Syrie, pays accusés par Washington de déstabiliser le Moyen-Orient. Avant la conférence, elle avait prévenu les voisins de l'Irak, dont la Syrie, l'Iran, mais aussi l'Arabie-Saoudite, qu'ils avaient tout à perdre s'ils n'usaient pas de leur influence pour stabiliser ce pays. Le chef de la diplomatie iranienne et son homologue saoudien, Saoud el-Fayçal, se sont engagés à aider à mettre fin aux violences en Irak. Le rôle de l'Iran chiite dans la stabilisation de l'Irak est considéré comme crucial.. La dette de l'Irak s'élève à quelque 50 milliards de dollars, notamment envers l'Arabie-Saoudite, le Koweït, la Russie et la Chine. Selon le ministre irakien des Finances, Bayan Jabr. Une première dette de 100 milliards de dollars a déjà été annulée par les pays membres du Club de Paris. Les pays participant à la conférence internationale sur l'Irak, à Charm el-Cheikh en Egypte, se sont engagés, jeudi 3 mai, à réduire la dette irakienne de plus de 30 milliards de dollars, a déclaré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. Cela inclut des engagements d'allègement de dette, conformément aux règles du Club de Paris,.(6). Dans le cadre de l'ICI, le Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, pourrait appliquer un programme de réconciliation entre les communautés sunnite, kurde et chiite, notamment en répartissant équitablement entre elles les revenus du pétrole. L'ICI prévoit aussi de renforcer les forces irakiennes de sécurité et la création d'un mécanisme pour la défense des droits de l'homme et pour consolider les bases de la transparence et de la bonne gouvernance. La secrétaire d'Etat américaine et son homologue iranien, Manouchehr Mottaki, se sont brièvement entretenus en marge de la conférence sur l'Irak. Condoleezza Rice s'est ensuite entretenu pendant environ une demi-heure avec son homologue syrien, Walid Mouallem. L'entretien porte sur des questions de sécurité des frontières. (7) En définitive, le président Bush ne parle plus de Grand Moyen-Orient et Condoleezza qui affectionne le langage biblique ne parle plus de l'accouchement de la démocratie en Irak dans la douleur. C'est le sauve-qui-peut en sauvant la face. Les faits sont têtus: 20.000 nouveaux GI's n'ont rien pu faire si ce n'est d'augmenter le «chaos constructeur» au point que les morts dépassent la centaine par jour. Tous les murs du monde ne pourront rien faire pour arrêter l'hémorragie. C'est un pis-aller que de croire que l'argent va aider à la stabilisation de l'Irak. Les Britanniques se retireront sans gloire et les Américains aussi. Ce qui restera, c'est un Irak ramené à l'age de pierre selon l'expression du président Bush Senior, lors de la première guerre du Golfe. Il ne faut pas croire ou laisser croire que le départ des envahisseurs ramènera la sérénité en Irak. C'est un pays profondément déstructuré qui a capitalisé la haine, imaginons le million de nouveaux orphelins, leur détresse, leur névrose et leur désir de vengeance interethnique. La boîte de Pandore ouverte par les Américains et leurs collabos anglais n'est pas prête de se refermer. Il ne peut donc pas y avoir de «solde de tout compte» pour tous les protagonistes de cette tragédie. Chacun doit rendre des comptes au tribunal de l'histoire. La douleur des Irakiens a été instrumentalisée par tout le monde. Les Syriens et les Iraniens ont aussi leur part de responsabilité en entretenant le feu de la division pour des stratégies de survie des dirigeants au détriment, on l'aura compris, de leur peuple. Coup d'épée dans l'eau Les peuples arabes de la région (Egypte, Arabie Saoudite en tête) font de l'acrobatie sans filet, il ne faut pas qu'ils tombent- au propre comme au figuré-.Pour cela, ils prennent pour le compte des Occidentaux virtuellement, la direction des bons offices en tant que «pays modérés», un nouveau concept qui contrebalance celui de «rogue state», «Etats voyous» pour les récalcitrants. C'est, en fait, des sursis pour les régimes en place qui renvoient aux calendes grecques l'avènement de la démocratie pour leurs peuples opprimés. Toutes les propositions de négociations de contribution à la paix dans la région sont, en fait, des redditions en rase-campagne. Quand on sait que les pays arabes de la région brûlaient des cierges pour que le Hamas se fasse laminer en juillet au Liban- c'est les Israéliens qui le disent- il y a quelque chose de pourri dans la politique «el boulitique» dirions -nous avec une expression du terroir. A quand l'avènement d'une nouvelle génération de dirigeants arabes fascinés par l'avenir, qui n'instrumentent pas la religion, qui ne seraient élus que sur la base que de leur mérite personnelle en dehors de toute «l'accabya» voire, de légitimité de famille révolutionnaire? On frise la désespérance, voire, la jalousie quand on voit comment, à titre d'exemple, dans le débat du 2 mai en France entre les deux protagonistes, la hauteur des débats était telle que tous les sujets qui intéressent la France ont été abordés d'une façon professionnelle. Nos futurs élus -dont on ne connaît rien des programmes et des compétences intrinsèques- devraient prendre de la graine et se mettre vite à l'école de la connaissance. C'est de cela, en définitive, que l'Algérie a besoin dans un monde plus que jamais incertain. Il ne faut pas croire que ce qui arrive en Irak, nous en sommes vaccinés, les piqûres de rappel de la vigilance scientifique culturelle tout ce qui fait «ce désir de vivre ensemble» selon le bon mot de Renan, doivent, plus que jamais, faire partie de notre arsenal thérapeutique. 1.C.E.Chitour: Pétrole sans nourriture. L'Expression. août 2005 2.C.E.Chitour: Qu'est-ce qu'une guerre juste? L'Expression du 23-03-2003 3.Le Congrès américain échoue face au veto de Bush, Nouvel.Obs. 03.05.2007 4.Sénateur Harry Reid La guerre est perdue en Irak.L'Express Samedi 21 avril 2007 5.Hani Achour: l'Irak est devenu le pays des veuves, Shabakat Albasrah 24/04/07 6.Ban Ki-moon annonce une réduction de la dette de 30 milliards de $. Le Monde 305 2007 7.Rice a rencontré ses homologues iranien et syrien. Nouvel Obs; 3 05 2007