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Le testament des kamikazes
UNE VIDEO DU GSPC AL QAÎDA MONTRE LES ATTENTATS D'ALGER
Publié dans L'Expression le 10 - 05 - 2007

Cette vidéo a fait découvrir la face cachée du double attentat du 11 avril, tout en posant à longueur de lignes de nouvelles interrogations.
Le Gspc Al Qaîda au Maghreb islamique a mis en ligne sur un site islamiste proche d'Al Qaîda, une vidéo d'une trentaine de minutes montrant sous un jour nouveau le double attentat du 11 avril 2007, qui avait ciblé le Palais du gouvernement et un commissariat de police à Bab Ezzouar. Ces deux attaques, revendiquées le même jour par Aqmi, et qui avaient gravement endommagé le Premier ministère et le ministère de l'Intérieur, avaient fait un bilan total de 32 morts et 220 blessés. La vidéo qui se compose de quatre parties montre, d'abord, et de manière précise, les préparatifs du double attentat, le sertissage des bombes, les systèmes de minuterie et de mise à feu, la dissimulation des engins explosifs et les produits extérieurs utilisés. Tout cela sur fond de psalmodies guerrières. Ensuite, on voit l'explosion de Bab Ezzouar: la première explosion a fait sauter les vitres d'un bâtiment de police on voit un homme courir, des voitures qui ralentissent leur course. Puis une seconde explosion, beaucoup plus forte, qui embrase un autre bâtiment de police, là, on entend une voix, certainement celle de celui qui prenait les images, dire «Allah Akbar». Une autre partie de la vidéo montre les terroristes marchant en file indienne dans des maquis boisés et luxuriants, mais aussi dans le désert du Sud. Une quatrième partie de la vidéo est constituée d'images qui contredisent la thèse officielle selon laquelle, l'attaque lancée contre le Palais du gouvernement, n'était pas un attentat-suicide, mais un piège tendu au jeune Merouane Boudina.
La symbolique d'une attaque
La vidéo montre bel et bien le kamikaze faisant ses prières et laissant un testament qui se termine par la formule, désormais classique, dans les testaments des kamikazes: «maouîdoukoum al-Janna» («votre rendez-vous sera au paradis» ndlr).
Un épilogue de la vidéo montre Abdelmalek Droukdel, dit «Abou Mossaâb Abdelouadoud», assis en train d'exhorter ses partisans au jihad.
Le chef d'Aqmi est montré en treillis militaire, arborant un turban kaki, la barbe noire et longue. Derrière lui, un étendard noir spécifique aux organisations proches d'Al Qaîda, et sur lequel on peut lire le nom de son groupe «Al Qaîda fil Maghreb al-islami». Cette vidéo a fait découvrir la face cachée du double attentat du 11 avril, tout en posant à longueur de lignes de nouvelles interrogations. Pourquoi avoir attendu près d'un mois pour mettre en ligne cette opération? Jusqu'où «Abdelouadoud» peut-il aller dans ces menaces? Dispose-t-il, comme il le dit, de nouveaux kamikazes, ici et maintenant, et qui sont prêts pour d'autres attaques? Car chaque réponse détermine aujourd'hui toute une stratégie de sécurité...
Les deux attentats du 11 avril avaient chamboulé, il y a un mois, toutes les donnes sécuritaires et mobilisé tous les services de sécurité.
Le Palais du gouvernement, cette imposante bâtisse, qui abrite les ministères symboles, tombait en pièces et donnait l'image d'une capitale touchée au coeur de sa sécurité intérieure, et aura constitué l'attaque la plus spectaculaire de par l'audace de l'attaque et la symbolique des cibles.
Les étages des deux bâtiments ont été éventrés, endommagés, percés comme du gruyère par les fragments de l'explosif utilisé. Aucun étage n'a été épargné. Belkhadem, Zerhouni, Boustila, Tounsi, Lahbiri, Soltani, Tayeb Louh et pratiquement tous les chefs des corps de sécurité opérationnels dans la capitale sont venus voir de près l'attaque contre le Palais du gouvernement. Cette présence en force de tous les ministres concernés, des responsables de la sécurité intérieure et d'officiels de haut rang, de la police scientifique, de la Garde républicaine, de la Protection civile, de la BRI, ainsi que des chefs de la Bmpj, avait renseigné sur l'importance et la gravité des attentats. Jamais, depuis au moins dix ans, un nombre aussi grand d'officiels de haut rang ne s'étaient retrouvés regroupés ensemble sur un même site. Car jamais pareil attentat n'a été imaginé. Même lorsque le GIA était au summum de sa force, il n'avait pu transpercer le maillage quasi hermétique qui entoure le Palais du gouvernement.
Six heures après ces attaques, un interlocuteur se présentant comme un «porte-parole de l'Organisation Al Qaîda au Maghreb islamique» revendique les deux attentats d'Alger, dans un appel téléphonique à la télévision Al Jazeera, et confirme ce que tout le monde devinait.
Ce dernier a revendiqué au nom d'Al Qaîda au Maghreb les deux attentats, et précisait qu'ils ont été perpétrés à l'aide de voitures conduites par des kamikazes.
Une heure plus tard, avant la fin du jour des attentats, l'Organisation Al Qaîda au Maghreb revendique les attentats d'Alger et affirme qu'ils ont été perpétrés par des kamikazes.
Comment riposter?
La consternation passée, les responsables de la sécurité intérieure examinent aujourd'hui la manière d'agir avec ces nouveaux défis terroristes. Quasi spectaculaires, poussant le défi et l'audace à leurs extrêmes limites, les attentats de ce qu'il convient, désormais d'appeler «du 11 avril», ont poussé, de ce fait, à engager une profonde réflexion sur la gestion de ce phénomène récurrent. Les premières leçons tirées par les responsables de la sécurité les ont mis, pour la première fois depuis des années, sur la défensive. D'autant plus que cette fois-ci, les attentats ont été opérés dans le coeur de la capitale, dans le coeur de la sécurité, en plein jour, et ciblant uniquement des édifices-symboles et de sécurité. Les photos des trois kamikazes qui se sont fait sauter avec des charges de 500 à 700kg de mélanges explosifs sont des jeunes terroristes de la troisième génération. Celui qui a perpétré l'attentat le plus important, non pas uniquement du 11 avril, mais aussi depuis le début du terrorisme en Algérie, est un jeune garçon à peine sorti de l'enfance. Avec son survêtement sport bleu, son visage glabre et son air de jeune branché, il peut se promener partout sans éveiller le moindre soupçon. La troisième génération des djihadistes que nous avons en face aujourd'hui, est celle des jeunes âgés aujourd'hui entre 17 et 25 ans et qui est tentée par l'action terroriste.
Au plan idéologique, elle est endoctrinée à outrance, mais sans posséder une culture islamique sérieuse, elle reste, toutefois, portée premièrement et avant tout, sur l'action, spectaculaire de préférence, depuis les attaques du 11 septembre 2001 au moins. Il s'agit, aussi, selon des spécialistes, d'une nouvelle forme d'adaptation aux dispositifs de contrôle/lutte antiterroriste, qui consiste à recourir à des individus qui ne sont pas intégrés dans les critères de surveillance (on le voit par exemple dans les réseaux de drogue) et qui sont plus fragiles. «Ceux qui sont partis en Irak, ont appris, sur place, comment se faire sauter devant les forces de sécurité et devant des édifices de l'Etat. Ils en sont revenus imprégnés de cette action qui permet au jeune candidat à l'attentat-suicide (un acte de foi, dans les fetwa en usage dans les milieux djihadistes) de faire trembler les puissants. Aujourd'hui, ils sont tout heureux d'aller se faire sauter dans des attaques kamikazes en Algérie», nous avait affirmé, avec amertume, un haut responsable de la sécurité en Algérie.
Un colonel de l'Armée nationale opérant des ratissages militaires dans une zone du Gspc, nous faisait part, récemment, de ses soucis: «Nous sommes en face de jeunes garçons, fraîchement élus terroristes, qui ne savent même pas écrire correctement leur nom, mais qui savent fabriquer à la perfection une bombe et la faire exploser à distance par l'intermédiaire de systèmes d'allumage perfectionnés».


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