M. M., sexagénaire, rescapé du carnage d'El-Affroun, nous relate les faits, la gorge serrée. Il était dans une 504 bâchée, à quelques mètres du fourgon. Encore sous le choc, M. M., dans un premier temps, refuse de parler. Il est ailleurs, les yeux hagards, il nous fixe un bon moment, et déclare: «C'était l'horreur.» Un long moment de silence s'ensuit, puis il consent à nous parler. «Il était 19h45, lorsque je suis arrivé sur les lieux. Après avoir dépassé le fourgon J9 Karsan qui venait de s'arrêter devant des jeunes bien habillés, je me suis garé en pensant reprendre la route derrière le fourgon. Soudain, j'ai entendu deux coups de feu, suivis d'une multitude de rafales. Quand je me suis retourné, j'ai vu le fourgon prendre feu, alors que les véhicules qui étaient aux alentours rebroussaient chemin. Cela s'est passé rapidement.» Il se tait (le souvenir l'effraye). Il passe la main sur son visage en sang. Il marque un temps d'arrêt puis déclare: «J'étais glacé de peur, je ne pouvais pas démarrer. Tout d'un coup, j'ai entendu l'impact des balles sur ma voiture. Réalisant qu'on me tirait dessus, j'ai baissé la tête.» Il se tait encore et lance: «J'ai senti une douleur, un vertige, puis plus rien.» Interrogé sur le nombre des assaillants, il répond sans conviction: «Ils étaient au moins 3 ou 4 individus, peut-être plus.» Le souvenir ravive ce moment d'horreur dont il a été témoin et victime. Il lève les mains vers le ciel en signe de gratitude et se tait. Puis ne se contenant plus: «Ils les ont brûlés, quelle horreur». Quelques minutes plus tard, le deuxième rescapé hospitalisé à Frantz-Fanon venait de décéder des suites de ses blessures, élevant le bilan du carnage à 5 morts et 7 blessés.