Absorbés par le rythme effréné de New York, ils restent sourds aux échos qui parviennent de la lointaine Algérie. La communauté algérienne installée à New York ne s'est pas rendue massivement aux urnes, mais elle n'a pas complètement boudé le bureau de vote ouvert depuis le 12 avril au niveau du siège de la représentation permanente de l'Algérie à l'Onu. «Nous recevons quotidiennement un flot de 40 à 50 personnes. L'affluence a été relativement importante durant ce week-end, en dépit de la fête des mères presque sacrée ici aux Etats-Unis d'Amérique», a indiqué Hamid Kherief, président de boîte au bureau de vote de New York. Cependant, cet universitaire algérien installé aux States depuis 30 ans, note que ces élections législatives n'ont pas drainé une immense foule. «On est loin de l'engouement suscité par la présidentielle d'avril 2004 et encore de celui qui a marqué le référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en septembre 2005», reconnaît ainsi M.Kherief qui a été présent au bureau de vote de New York depuis l'élection présidentielle de 1995. Nombreux sont les New-yorkais algériens qui ne croient plus aux urnes. «Nous avons fait l'expérience par deux fois et rien n'a changé (élections législatives de 1997 et celles de 2002 Ndlr)», confie Hamid, désabusé. «Nous rencontrons les mêmes difficultés depuis 30 ans», regrette-t-il. Il résume comme suit la situation: «Nos responsables au pouvoir ne voient pas l'utilité de nous faciliter les choses puisque pour eux, nous n'avons aucun poids électoral. Nous ne représentons que quelques milliers de voix. Ils nous regardent avec la même indifférence qu'une commune pauvre de l'intérieur du pays.» Cette consultation électorale pour le remplacement du député sortant de la zone Amériques, Mohammed Mounir Hamdani (FLN), donnera la possibilité à 4210 inscrits, aux Etats-Unis, selon les statistiques officielles, de choisir leur représentant parmi cinq candidats en lice. Mais ce nombre est loin de la réalité au vu du nombre de plus en plus croissant de la communauté algérienne aux Etats-Unis. Rien que par les résultats annoncés par les gagnants de la loterie américaine depuis ces cinq dernières années, le nombre d'Algériens installés légalement aux Etats-Unis dépasse les statistiques officielles. L'administration algérienne traîne ses lenteurs même en Amérique. Désunie, éparpillée, sans lieu de rencontre fixe, la communauté algérienne aux Etats-Unis cherche encore ses repères. «La liste électorale n'est pas complète. Durant les jours du vote nous recevons plusieurs Algériens résidant pourtant légalement aux Etats-Unis mais qui ne sont pas portés sur notre fichier électoral», confie le président de boîte à New York. Ces listes électorales sont établies à Washington où est notamment centralisée toute l'opération de vote. Quatre de ces candidats sont résidants au Canada et le cinquième aux Etats-Unis. Il s'agit de Mohamed-Cherif Lamine Foura du RND, de L'Hacene Ziani du RCD, de Saïd Chohra pour le FLN, de Rachid Boudjarane représentant le MSP et du candidat indépendant, Mohammed Gache. Pour ce dernier, il s'agit d'un fait nouveau puisque, pour la première fois, la communauté algérienne des Etats-Unis présente son candidat. Durant les consultations précédentes, les Algériens des Etats-Unis ont été représentés par le candidat du Canada. «Mon but n'est pas de devenir président de la République ni de changer le monde. Je veux juste aider mes concitoyens dans les difficultés qu'ils rencontrent ici aux Etats-Unis ou quand ils rentrent au pays. Je veux faire parvenir leurs préoccupations aux hautes autorités du pays et participer à trouver des solutions», indique ce cadre algérien installé depuis plus de 25 ans aux Etats-Unis et qui vit actuellement à Washington DC. Mohammed Gache a silloné plusieurs Etats d'Amérique et du Canada pour expliquer son programme. Il est l'un des rares candidats à avoir un site Web de campagne en trois langues. «La raison est que je n'ai pas négligé la nouvelle génération d'Algériens nés ici aux Etats-Unis et qui ne comprend ni l'arabe ni le français». Les Algériens d'Amérique ne sont pas tous sceptiques aux référendums, aux votes et aux autres outils de la démocratie que leur proposent les politiques d'Alger. Pour certains d'entre eux, c'est un luxe que de suivre les événements politiques qui se déroulent au pays. Absorbés par le rythme effréné de la vie new-yorkaise, ils deviennent sourds malgré les échos faibles et parfois brouillés qui leur parviennent de la lointaine Algérie. Ils sont indifférents par contrainte. D'autres, en revanche, résistent à la noria new-yorkaise qui bannit le mot répit dans sa dynamique. New York City, «The big apple» pour les Américains, ne s'endort jamais. Le souvenir du pays aussi. A chaque fois que la mélancolie et le désespoir gagnent les coeurs, la nostalgie rejaillit. Elle joue comme une force de rappel en veillant sur la fibre patriotique. «Je me rends au bureau de vote avec la chair de poule. Je vote par instinct pour l'Algérie même si rien ne change. Je suis peut-être aveuglé par mon patriotisme mais je suis politiquement lucide car je sais que le changement interviendra un jour ou l'autre», s'épanche Dahmane qui a quitté l'Algérie «au summum de sa gloire en 1975» rappelle-t-il. Mme Zouiouèche affirme garder toujours la flamme du pays au coeur. Originaire de Biskra, elle a passé toute sa jeunesse en France. «J'ai toujours rêvé de regagner mon pays, mais le sort a voulu que je me retrouve avec mon mari aux Etats-Unis». Elle explique que la vie à New York est très dure. «Ici on suce votre jeunesse. J'ai élevé quatre enfants et l'entreprise a été pour moi un enfer», avoue cette dame qui espère toujours regagner l'Algérie avec son mari. De l'autre côté de la planète, en Algérie, ce n'est pas de cet oeil que l'on voit l'Amérique. «Ahlil I wine yezrane» dit l'un, «Ahlil I wine Ur yezr», lui répond l'autre. (Malheureux est celui qui a vu, malheureux est celui qui n'a rien vu. Ndlr).