Ouyahia, qui pense que l'action de voter est un droit et un devoir, était loin de se douter que ce discours ne mobilise plus. Jeudi 17 mai, il est 14h00, une ambiance particulière règne au siège national du RND, principalement au 8e étage qui abrite la cellule de suivi des élections législatives. Une équipe composée de cinq dames, désignée par un ingénieur en statistiques, guettent les moindres informations qui lui parvienne, par téléphone, des bureaux de wilayas. «Nous transmettons, au fur et à mesure, des comptes-rendus à M.Ahmed Ouyahia, pour l'informer de l'évolution de la situation aussi bien concernant le taux de participation que les dépassements enregistrés ici et là», nous confie le responsable de la cellule. Ouyahia, dont le bureau se trouve au 7e étage, s'est montré très discret, hier, en confiant à son chef de cabinet, M.Abdeslem Bouchouareb, la mission de répondre aux questions des journalistes, venus nombreux tester l'ambiance électorale au niveau de la direction du parti. Le secrétaire général du RND est sorti deux fois de son mutisme, jeudi. La première, le matin devant les caméras de la Télévision nationale où il a invité les Algériens à voter massivement «pour donner une leçon aux prêcheurs de la violence». L'action de vote est à la fois «un droit et un devoir», lance-t-il. Ouyahia était loin de se douter que ces discours ne mobilisent plus. 15 heures, un document circule au siège du RND, il porte le numéro 134, daté du 17 mai 2007, et signé par M.Saïd Bouchaïr. Il s'agit de la lettre envoyée par ce dernier au président de la République et dans laquelle il fait état de «graves dépassements» enregistrés dans plusieurs wilayas, enfonçant, dans ce contexte, le FLN. Tout le monde se presse pour faire des copies. Quelle sera la réaction du Président? Les spéculations vont bon train. «Bouteflika va annuler les élections», pense un confrère. «M.Abdelaziz Belkhadem va démissionner», songe un autre. Au niveau des responsables du RND, on reste prudent: «Vous avez entre les mains une preuve tangible», se contente de déclarer M.Abdeslem Bouchoureb. Mais le RND reconnaît qu'il y a des dépassements classiques. «Nos militants nous ont fait part du recours de l'administration au remplacement des observateurs absents dans certains bureaux de vote, où l'on a remarqué, de surcroît, que des bulletins de quelques partis n'ont pas été acheminés», affirme notre source qui, là aussi, parle «d'acte isolé». Au RND, on est confiant: «Zerhouni veillera à l'application stricte de la loi». Au siège national, un détail inquiète les responsables. Des informations recueillies par la cellule de suivi, reflète une démobilisation quasi confirmée des électeurs. A 15h00, le taux de participation n'a pas dépassé les 15% à M'sila, 28% à Guelma, 8% à Tizi Ouzou, 9% à Béjaïa, 14% à Alger. «Pourtant, le match Sétif -Al Fayçali jordanien ne commence qu'à 18h00», ironise un membre de la commission. Les apparitions de Zerhouni sur les trois chaînes de la Télévision nationale sont suivies de très près par les encadreurs de la Commission. «C'est l'occasion pour nous de comparer le taux de participation officiel, avec ceux qui nous sont communiqués par les bureaux de wilayas». Et sur ce chapitre aussi, le RND s'aligne sur les déclarations de Zerhouni: «Les taux sont identiques», à l'exception de quelques wilayas, comme celle d'Oum El Bouaghi qui n'a enregistré, jusqu'à 17h00, que 20%, selon le coordinateur du RND et de 19% selon Zerhouni. «1% c'est rien du tout», soutient notre interlocutrice. 19 heures, le ministre de l'Intérieur contredit M.Bouchaïr et «minimise» l'ampleur de la fraude: «En somme, des défaillances ont été soulevées dans 15 bureaux de vote, dont celui d'El Biar où une observatrice d'une formation politique a refusé de porter le badge». La journée du 17 mai est la plus longue de l'année, selon les «RNDistes», le ministère de l'Intérieur décide de la prolonger d'une heure au profit de quelques bureaux. Des «éléments scientifiques» permettent à M.Bouchouareb d'être optimiste sur les chances du RND. «Je pense que nous allons rafler entre 80 et 90 sièges, c'est-à-dire doubler le score réalisé en 2002», assure-t-il. Les élections de 2003 et de 2006 sont «des échantillons représentatifs» sur la capacité de «notre formation à s'imposer sur le terrain en tant que véritable face politique». Dans les coulisses du parti, on atteste que le RND va tirer profit des erreurs commises par le FLN «et elles sont nombreuses». 20 heures, la présentatrice du journal télévisé annonce la victoire de Sétif. Tout le monde saute de joie. «C'est la première bonne nouvelle de la journée», commente un confrère. Les supporters algérois de «Sétif» défilent à Ben Aknoun où règne une ambiance de fête. Ils s'arrêtent devant le siège national du RND, munis du drapeau noir et blanc. Tout compte fait ici, on est sûr que la «baraka de Sidi L'kheïr» va atteindre le Parti.