Des citoyens parlent des législatives. Les cafés et autres lieux publics étaient hier, plein de monde: les villageois qui sont descendus des villages et hameaux pour faire leurs emplettes s'échangeaient des informations sur ce qu'on peut appeler le non-vote. On se regarde pratiquement étonnés d'avoir eu la même décision face aux urnes. Et souvent, l'on se félicite même d'avoir envoyé un message clair net et précis aux politiques. Ces derniers sont ainsi renvoyés faire leurs classes et apprendre à s'adresser aux populations. Rencontrés à Tizi Ouzou, ces citoyens se sont mis à parler, utilisant leurs mots; ils ont cassé d'abord beaucoup de sucre sur le dos de ces particules qui ne sont sur la scène que le temps d'une élection et qui osent venir quémander les voix des citoyens. Ils s'appellent Moh, Boussad, Belkacem et Smaïl et sont des étudiants en année terminale à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Ils affirment avoir, sans regret aucun, boudé l'urne et s'expliquent: Certes, le vote est l'acte citoyen par excellence, que l'on ne s'avise surtout pas de nous donner de leçon, encore moins de conseils sur ce sujet. Nous sommes assez grands pour savoir ce qu'est une élection, commence par dire Belkacem, le plus politisé du groupe. «Mais voilà, on est proprement rassasiés de ces politiques qui ne pensent en fait, qu'à un statut en or. Vous votez pour un député qui, en ne faisant que lever la main, gagne des mille et des cents, un salaire que ne peut se permettre, par exemple, le plus habile des ingénieurs. C'est trop, c'est carrément une répartition de la manne financière entre eux.» Moh, plus posé, intervient en affirmant que «les élections sont étranges chez nous. Vous votez blanc, et au décompte des voix, votre bulletin ressort rouge. Sans compter les morts qui arrivent à voter, il n'y a que chez nous que cela arrive. La culture du parti unique est encore là. C'est magique alors puisque l'urne est ainsi, pourquoi voter?» Boussad, qui affirme être partisan, explique pour sa part que «le véritable message envoyé au pouvoir par le peuple est une sorte de ras-le-bol de ces pratiques héritées du parti unique et qui, jusque-là, ont dénaturé toute politique». Comme il pense que si les électeurs ont boudé les urnes, cela ne tombe pas du ciel, il a bien fallu qu'il y ait des forces ayant appelé au rejet de ces élections. Certes, ces partis ne sont pas les seules causes, mais il ne faut tout de même pas ignorer cela. On ne règle pas les problèmes politiques avec le mépris. Dans un autre endroit de la ville, ce sont des personnes âgées qui discutent des élections. L'un essaie d'expliquer aux autres ce qu'il lit dans le journal du jour. «On dit qu'il n'y a pas eu beaucoup de votants et que c'est de la faute des partis politiques», dit-il. Les autres se regardent, et l'un des assistants fronce les sourcils et réplique: «Ils trouvent toujours une explication, ils ne veulent pas comprendre que le peuple veut autre chose que ce théâtre. Et pourtant c'est clair. Mais voilà, peut-être, un jour, il se trouvera bien quelqu'un qui demandera à ce que l'on change de peuple.» Approché, le groupe, après être quelque peu amadoué, parle de cette mascarade électorale que la future APN traînera comme un boulet. Pour ces vieilles personnes, le premier responsable est «...cette image absurde et obsolète d'une APN qui, non seulement boude l'hémicycle, mais ne sait faire que lever la main, incapable apparemment de faire des propositions de lois.» Lors de la prochaine élection des locales, tous diront que les choses seront alors différentes et «on verra si le peuple ne sait pas ce qu'est une élection.» Enfin et abordant le futur immédiat, ces personnes se montrent blasées, «la majorité est toujours la même alors qu'espérer de mieux si ce n'est un changement dans la continuité? On prend les mêmes et on recommence». En ce qui concerne les nouveaux partis siégeant à l'APN, le groupe sourit et résume sa position en affirmant: «Une seule hirondelle ne fait pas le printemps.»