Les nouveaux députés sont venus s'amuser, dirait-on. Le côté spectacle a dominé durant la première journée. Ils sont venus en costume-cravate. Nombreux sont ceux qui entrent pour la première fois dans l'hémicycle. Ils font le tour des coulisses, jettent un oeil curieux dans la salle où ils vont siéger. Puis l'un d'eux se détache du groupe. Il cherche la presse. Il dit: «Où est la télévision algérienne?». On lui indique une caméra en train de filmer les députés qui débarquent. «Voilà la caméra. Placez-vous devant et tout le monde vous verra, ce soir, aux informations», lui conseille un journaliste. Il court se placer devant la caméra, étale son large sourire. Cet homme vient du Sud. Il s'est présenté en indépendant à Naâma et a pu passer à travers les mailles de l'administration. Il s'appelle Slimane Saâdaoui. Il s'exerce à capitaliser ce qu'il a dépensé pour devenir député. Une grappe de journalistes se serre autour d'un autre député. Teint basané, la sueur perlant au front, son costume à rayures, nouvellement acheté chez quelque trabendiste du coin, il se marre comme il ne l'a jamais fait. C'est l'un des acteurs de l'émission sarcastique hebdomadaire El Fhama. Les questions fusent: «Quels sont vos projets?». Il roule les yeux avant de répondre: «Je vais me reposer pendant cinq ans parce que j'ai beaucoup travaillé». Une autre question: «Avez-vous l'intention de vous remarier». Atallah hésite puis lâche: «Pourquoi pas?». Puis: «Allez-vous rester à Alger?». Sans hésiter, cette fois-ci, il réplique: «Oh oui! Je vais acheter un lot de terrain et je vais me bâtir une belle maison». Ahmed Bouzidi, alias Atallah ou alalla, s'est présenté à Djelfa sous les couleurs du MNE du Dr Hadef. Il dit ne pas connaître Hadef car il ne l'a jamais rencontré. Mais le malheureux Hadef n'est pas passé. Encore une dernière question: «Vous avez visiblement une double personnalité, qui êtes-vous au juste?». Il répond: «Oui, Bouzidi est devant vous et alallah est absent». Il s'embrouille: «Atallah est ici et Bouzidi est absent». Il ne sait plus qui il est. Amar Tou est impatient. Il guette d'un oeil oblique atallah. La presse n'a d'yeux que pour Atallah. Tou se rapproche du groupe et dit: «Mais tu attires les feux de la rampe, toi». Un journaliste répond à Tou: «Faites comme lui, lui, au moins, il parle clairement». Tou n'a pas entendu la réplique. Plus loin, un homme bleu tient en haleine un autre groupe de journalistes. Il vient d'Illizi. Il s'est présenté sous les couleurs du RND et se marre, lui aussi, comme un fou. Il discute avec Louisa Hanoune. Il lui parle du thé d'Illizi, des femmes qu'il souhaiterait épouser, de sa tenue qui coûte sept millions, du salaire que lui offre l'institution parlementaire alors qu'il n'a pas besoin de tout cet argent pour vivre heureux. Il annonce son intention de se présenter à la présidence de l'APN dans l'après-midi. Saïd Sadi du RCD, n'a pas le sens de l'humour. Il dit: «Il n'y a plus d'opposition à l'APN. Regardez, que font les photos du président de la République dans une APN?». On se retourne et on ne voit aucune photo de Bouteflika. Il y aussi Miss Sétif qui est venue avec des pantalons moulants. Elle a fait un ravage à Sétif. Elle a obtenu pas moins de trois sièges pour le compte du Fnic - les seuls- damant ainsi le pion au RND et MSP. Elle dit que son charme a été pour beaucoup dans cette campagne qu'elle referait si c'était à refaire. Au perchoir, se tient le doyen, Omar Belmahdjoub, secondé par les deux plus jeunes. Il préside la séance d'ouverture de la nouvelle Assemblée. Tout est préparé comme sur du papier musique. Il n'a qu'à lire le texte. La séance de la matinée est courte. Mais tout va se gâter dans l'après-midi. A la reprise des travaux, Belmahdjoub annonce l'ouverture des candidatures. Les trois chefs de groupes parlementaires du FLN, du RND et du MSP prennent la parole pour dire leur soutien à la candidature de Ziari. Un député lève le bras. Le président ne le voit pas. Cela ne figure pas dans le texte qu'il a sous les yeux. On lui indique qu'il y a quelqu'un qui veut prendre la parole. Mohamed Benhamoud du FNA annonce sa candidature. Un autre député lève la main. Boubeker Derguini du RCD en fait autant. On se retrouve, dès lors, avec trois candidats sur les bras. Que faire? Belmahdjoub écoute attentivement puis donne sa sentence: «Nous avons trois candidats. Nous levons la séance pendant un quart d'heure, le temps de préparer les outils du vote». On revient dans la salle. On exhibe une urne transparente et on passe au vote. Les 389 députés défilent devant l'urne, glissent leur bulletin. Mais on ne voit pas l'homme bleu d'Illizi. On le cherche partout. On demande après lui. Les députés du RND disent qu'il est chez le dentiste. Pourtant, l'homme d'Illizi a une belle dentition. On passe au vote par procuration. Il y a en effet, trois absents dont l'homme d'Illizi. Le décompte donne 310 voix pour Ziari, 31 pour le FNA, 23 pour le RCD et 22 voix annulées. Belmadjoub n'a pas fini de discourir que Ziari se présente au-dessus de sa tête. Le nouveau président de la sixième Assemblée prend place au perchoir, lit son discours. Il s'est engagé à consacrer la culture du respect de tous les avis et la transparence des débats tout au long de son mandat à la tête de l'APN.