Faux débat pour de véritables enjeux politiques. Voilà, de manière succincte, la formule en vogue lancée par des cercles politico-médiatiques aux fins de pimenter les prochaines élections. Quelques milliers de dossiers sont examinés, mis sous la loupe, les repentis «(re) visités» et leur parcours passé au crible. Depuis qu'on a lancé l'idée de leur participation aux élections législatives, les repentis ont été poussés au-devant de la scène et sont - de fait - en train d'alimenter des débats qui restent, pour le moins, très décalés. Selon des sources sûres, ils seraient entre 8.000 et 10.000 repentis à être concernés par l'étude de leurs dossiers. Le poids qu'ils peuvent représenter et les candidats aux législatives qu'ils feront bénéficier de leur voix sont deux points fondamentaux autour desquels s'articule cet intérêt soudain pour un électorat complètement oublié depuis que ces éléments avaient déposé les armes et intégré la vie civile dans le cadre de l'autodissolution des organisations armées et ce, le 13 janvier 2000. Ces milliers de repentis ont-ils le droit d'aller voter? Leurs chefs (du FIS ou de l'AIS) ont-ils le droit de se présenter aux élections en tant que candidats? Ces deux questions attisent déjà toutes les polémiques et il fallait bien se soumettre aux textes de lois afin d'éviter toute nouvelle dérive. Or là, les lois sont muettes. Ou n'existent pas dans la plupart des cas de figure qui se posent aujourd'hui avec autant d'acuité. Que ceux qui sont impliqués dans des crimes de sang, des attentats à l'explosif, des viols ou des enlèvements soient disqualifiés, cela entre dans la logique des choses. Mais ces cas précis ne concernent que 10% des repentis, la plupart ayant un passif inconnu et s'étaient inscrits dans le chapitre «repenti», sans que soient détaillés avec précision la nature de leurs activités dans les maquis et le degré de leur implication dans les assassinats et les attentats meurtriers. Il y a aussi autre chose d'essentiel, tous les repentis de l'AIS ne sont pas issus de la seule AIS. Loin s'en faut. Il y a certes les repentis de la Lidd, organisation très proche de l'AIS, mais aussi les anciens du GIA, du Gspc et d'El-Ahoual, qui ont rejoint l'AIS, et dont le passif n'est pas irréprochable. En réalité, les problèmes de fond qui se posent, dépassent de loin les soucis liés à l'échéance électorale du mois de mai prochain, et brassent, de par les interrogations qu'ils soulèvent, au moins une ou deux générations. Mais les choses étant à ce stade du débat, c'est l'impératif électoral qui prend le dessus et occulte tout autre forme de débat. Depuis quelques jours donc, plusieurs équipes des services de sécurité sont en train d'étudier, au cas par cas, les dossiers des repentis et des anciens du FIS. Pour les leaders du parti dissous, le problème ne doit pas se poser, car ils sont, de par les restrictions politiques et civiques auxquelles ils restent soumis, éliminés de fait. En ce qui concerne les repentis et ceux qui constituent la base de l'ex-FIS, emprisonnés ou libérés dans le cadre de la grâce présidentielle, le dossier de chacun d'eux tranchera en leur faveur ou en leur défaveur. Plusieurs magistrats ont été «réquisitionnés» à cet effet, et les tribunaux compétents ont commencé à fonctionner dans ce sens précis. Mais attention, le danger ne vient pas nécessairement de là où on l'attend. Il existe des dizaines de milliers d'électeurs qui ont été des éléments actifs du plébiscite de l'ex-FIS en 1990, puis en 1991, et qui ne sont impliqués dans aucun délit, aussi minime soit-il. Qui peut obstruer, à ces gens, le chemin des urnes? En tout état de cause, le plus inquiétant reste non pas de voir concourir des anciens du FIS et des repentis, aigris et désabusés à jamais par des voies qui n'ont pas abouti, mais le fait de créer de nouvelles zones de marginalisation de nouvelles réserves ou seront parqués et marqués à jamais les néo-radicaux islamistes. En termes clairs, il ne s'agit pas de créer une autre zone de démarcation, mais de gérer des dossiers d'un passé douloureux.