«C'est la dernière fois que le Trésor public est mis à contribution pour aider les entreprises à se sauver et à sauvegarder leur potentiel de production, y compris les postes d'emploi.» Après son départ du ministère de la Participation et de la Coordination des réformes, M.Abdelhamid Temmar avait promis que «90 % des réformes se feraient aux départements des Finances et du Commerce » et que « les privatisations n'étaient plus prioritaires». Cette manière de dévaloriser le ministère qu'il venait de quitter et, partant, son nouveau titulaire, M.Boukrouh, n'aura pas tenu la route. Après avoir élaboré une ordonnance unique qui en fait le seul exécuteur des réformes, l'ancien patron du PRA démontre sa capacité politique à rebondir au moment où on le croit out. Une conférence de presse et un passage à la nouvelle émission des services de l'information de l'Entv auront suffi à le remettre en selle. Donc, avant-hier soir, le ministre de la participation aura été, jusqu'au bout, un pédagogue patient, expliquant qu'«il n'avait jamais été question de compression du personnel d'une manière générale, et concernant la Snvi en particulier»». L'assurance affichée par M.Boukrouh est révélatrice de l'appui réel du Président de la République, puisque le ministre n'hésite pas à fustiger «les idéologies prétextes à la léthargie qu'a connue le mouvement des réformes sous les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 1988, date réelle du lancement des réformes économiques». Malgré une reconnaissance complaisante des «services rendus par les fonds de participation, puis par ses successeurs, les holdings», M.Boukrouh fera un bilan cruel de la gestion de la chose publique par ces organismes: «Après cinq ans d'activité et 40 milliards de centimes dépensés, le Conseil national de participation de l'Etat n'a pas privatisé une seule entreprise.» M.Boukrouh, par une prudente pudeur, évite de citer les dépenses cumulées des fonds de participation et des holdings. Pourtant, l'annonce la plus attendue sera celle concernant le rôle de l'Etat dans la nouvelle démarche, non plus de privatisation, mais d'«ouverture du capital social des EPE aux acquéreurs privés nationaux et étrangers». Selon M.Boukrouh, «les 1400 entreprises publiques économiques du pays sont habilitées à ouvrir leur capital». Dans cette perspective, l'Etat aura un rôle d'«accompagnateur, avec l'appui du Trésor public aux entreprises en difficultés financières». Pour en finir avec l'Etat providence, M.Boukrouh annonce que «c'est la dernière fois que le Trésor public est mis à contribution pour aider les entreprises à se sauver et à sauvegarder leur potentiel de production, y compris les postes d'emploi». Il en profitera aussi pour lancer quelques piques à ses ennemis politiques de toujours, la gauche populiste, qui «hurle au crime de lèse-social à chaque fois qu'un poste de travail est perdu dans le secteur public, mais qui se tait quand des dizaines de milliers d'emplois disparaissent dans le secteur privé, comme si ces travailleurs-là n'étaient pas des Algériens.» Rassurant, M.Boukrouh exclut la Sonatrach du champ des privatisations, du fait qu'«elle a les moyens de sa politique, en tant que l'une des plus puissantes sociétés du monde». A une question sur la position de l'UGTA vis-à-vis de ces nouvelles ordonnances, M.Boukrouh rappellera que «ces textes n'ont pas été concoctés dans un bureau fermé, mais sont le résultat synthétique d'un consensus de tous les partenaires, y compris l'UGTA». Polémiste émérite, le ministre n'omettra pas de citer «un titre, parmi les quarante représentés à la conférence de presse, qui m'a fait dire que 5000 emplois seraient supprimés à la Snvi. Je répète encore que l'Algérie en a fini avec le spectre des licenciements. Il n'y a plus que des milieux malintentionnés qui l'agitent encore». Cette conclusion de M. Boukrouh se veut un message d'espoir, mais c'est aussi l'expression d'un homme politique qui revient en force dans l'équipe gouvernementale, sur une rampe de lancement qui pourrait l'emmener aussi loin qu'il l'ambitionne, si les choses se passent bien, et trop loin s'il y a encore du retard dans les échéances que le Président a fixées et que le gouvernement a acceptées.