Selon Salah Djenouhat, secrétaire national de l'Ugta et député, «s'il y a un choix à faire je choisis l'Ugta!» Ils sont 26 syndicalistes à avoir été élus députés sur les listes des différents partis politiques à l'occasion des législatives du 17 mai dernier. Ils sont issus de trois forces politiques: le FLN (12), le RND (8) et le PT (6). Certains d'entre eux font l'objet d'une polémique née de la double casquette qu'ils portent désormais. Un cumul qui contredit les textes de la Centrale syndicale. En effet, l'article 162 du statut de l'Ugta stipule qu'«il est interdit de cumuler des responsabilités exécutives au sein du syndicat et des responsabilités exécutives au sein des institutions de l'Etat, de l'institution législative, des Assemblées élues». L'un des députés concernés par la question, M.Salah Djenouhat, que nous avons sollicité pour nous donner sa position vis-à-vis du problème posé, s'est dit surpris de l'intérêt accordé à cette question alors que rien n'a été dit lors des précédentes législatures qui ont vu des cadres syndicalistes mener à terme leur mandat à l'APN, tout en conservant leur poste de responsable à l'Ugta. Le secrétaire national chargé de l'organique ne voit pas la problématique sous l'angle de la «polémique» car il s'agit d'une question qui relève, à ses yeux, des prérogatives des commissions exécutives de la Centrale syndicale. Il nous annonce, à ce sujet, que la question sera posée et débattue lors du prochain congrès de l'Ugta, qui est l'organe souverain pour trancher cette question, prévu au mois de décembre prochain. Cela concerne les mandats à tous les niveaux que ce soit à l'APC, l'APW et l'APN. Pour son cas, s'il devait être amené, dit-il, à choisir entre son poste de syndicaliste à la Centrale et un mandat de député, avec l'arrière-pensée d'éliminer des gens, il fera le choix de rester à l'Ugta. Et d'ajouter que si ce problème est posé pour permettre à certains de viser des objectifs bien précis, ils n'arriveront pas à leur but. Du côté des partis politiques, seul Djoudi du PT a bien voulu débattre de la question pour apporter des précisions: «Le PT, explique-t-il, a pris ses précautions lors de la sélection des candidats à la députation en mentionnant que parmi les conditions décidées par la direction, il y a cette obligation de ne pas faire partie des effectifs des cadres syndicaux dans un souci de ne pas vider l'Ugta et le mouvement syndical de ses compétences et de ses cadres.» Donc, le problème ne se pose pas au PT puisque «les six syndicalistes élus sont issus de la base et n'occupent aucun poste de responsabilité dans les structures syndicales». Cette vision n'est pas entièrement partagée par le FLN qui, par la voix de son chargé à la communication, M.Saïd Bouhadja, pense que la mission de député est en contradiction avec celle de cadre syndical. «Cette question, relève-t-il, revient en premier lieu à l'instance suprême de l'Ugta». Tout en constatant que cette situation de cumul de deux postes est en contradiction avec les intérêts des travailleurs et porte préjudice au travail syndical. La participation des syndicalistes à l'adoption de lois favorables à la privatisation par exemple, est une négation du combat syndical, tient-il à préciser. Quant à cette frange de cumulards, issue de son parti, Bouhadja dit ne pas avoir les données à ce sujet. Il nous révélera tout de même que «nombreuses sont les candidatures de syndicalistes qui ont été rejetées par le FLN et nombreux sont ceux qui ont échoué de passer l'écueil des urnes». Comme quoi la fonction de député intéresse de plus en plus nos syndicalistes qui ne voient aucun inconvénient à porter les deux casquettes, même si la symbolique du fossé qui sépare le statut social des deux profils, renvoie à la question d'éthique. Se porter candidat à l'APN pour défendre les droits et les intérêts des travailleurs du fait des blocages constatés à ce niveau peut être considéré comme une intention noble. L'accomplir, en sachant qu'il faudra défendre des lois anti-ouvrières et prônant la voie du libéralisme est une entorse au principe de base du mouvement syndical qui milite pour la création d'un contre-pouvoir issu de la couche ouvrière pour éviter un libéralisme sauvage et assurer ainsi un passage «équilibré» et «sans dégâts» d'un régime à un autre, comme c'est le cas de l'Algérie. Un syndicaliste qui se soumet aux lois du libéralisme, comme contenu dans le programme du président de la République, perd toute sa crédibilité syndicale. La rupture devient, dans ce cas de figure, une nécessité.