Un conférencier a révélé que des experts étrangers venus en Algérie ont été choqués de constater que nos institutions travaillent en solo. Depuis sa création en 2004 et jusqu'à septembre 2006, douze déclarations de soupçons seulement ont atterri sur le bureau de la Cellule de traitement du renseignement financier. Le constat est établi par son président, M.Abdelmadjid Amghar, en marge du déroulement du séminaire d'information et de sensibilisation sous le slogan «Bien s'informer pour mieux agir», organisé sous l'égide de l'Union des transitaires et commissionnaires en douane algériens qui s'est tenu, hier, au siège de l'Algex à El Harrach. Le président de la cellule de lutte fait remarquer que dès son installation, un rapport a été remis au ministre des Finances pour lui signifier le peu d'intérêt accordé par les organismes et institutions financières, les collectivités et le corps des fonctions non financières (libérales), à la loi du 05/01 du 06 février 2005 qui fixe les modalités de lutte contre le phénomène. Il est vrai que les lenteurs ayant caractérisé la promulgation des textes d'application n'ont pas permis à cette cellule d'activer au rythme voulu. D'où les blocages constatés. Revenant aux chiffres, le patron de cette commission nous révèle que sur les douze dossiers traités, deux d'entre eux ont connu des suites judiciaires et portent sur le transfert illicite de 7,8 millions d'euros sur les banques du Luxembourg. Poursuivant son planning de séminaires portant sur la vulgarisation, sensibilisation et explication des nouveaux textes de loi fixant les relations avec les organismes financiers et les fonctions libérales, la Cellule de traitement du renseignement financier s'est réunie avec le corps des transitaires et commissionnaires en Douane pour débattre des nouvelles dispositions de loi prévues pour impliquer davantage ce corps dans la lutte contre la fraude et la circulation illicite des fonds soupçonnés de servir aux opérations de blanchiment d'argent sale. Ainsi, il a été question de communications suivies de débats traitant de la traçabilité et de l'identification des opérateurs. Une façon de réglementer la relation existant entre la Douane, les opérateurs et les transitaires et commissionnaires en douane. Intervenant à l'ouverture du séminaire, le directeur général des Douanes, M.Abdou Bouderbala, a fait part à l'assistance de la volonté des Douanes d'envisager de nouvelles mesures pour contrecarrer la fraude. Les douanes projettent de lancer le «mandat» et la «déclaration des éléments de valeur en douane (DEV)», deux formules utilisées dans le monde pour contrecarrer les fraudeurs et surtout le phénomène du blanchiment d'argent, a t-il expliqué. Le «mandat» est ce document élaboré par les consignataires permettant l'identification des importateurs et exportateurs, tandis que la DEV détaille minutieusement la valeur de la marchandise objet du transfert. Ces deux documents actuellement au stade de projet, visent d'abord et avant tout l'identification des importateurs qui usent souvent de prête-noms ou de registres du commerce loués. La responsabilité des commissionnaires en douane est souvent engagée, comme le montrent les chiffres donnés par le directeur de la lutte contre la fraude, M.Medjebar Bouanem qui a cité 412 cas de suspension et 36 retraits définitifs d'agrément dans le corps des auxiliaires de la Douane, depuis janvier 2006. Actuellement, 2224 consignataires sont agréés en Algérie dont 1640 sont opérationnels. La délivrance d'agrément de transitaire et commissionnaire en douane est suspendue depuis octobre 2006, pour permettre à la douane de mettre de l'ordre dans ce secteur sensible. Des intervenants parmi l'assistance, peu nombreuse, se sont longuement interrogés sur «les intentions des pouvoirs publics à responsabiliser l'auxiliaire des Douanes pour cette question qui a des implications avec la responsabilité pénale dans le cas où le transitaire n'applique pas la réglementation dans le cas de la ‘'déclaration de soupçon'' alors qu'il est du ressort du service des impôts et des services du registre du commerce d'exercer un contrôle». L'un des participants au séminaire, transitaire de son état, n'a pas caché sa «crainte de voir sa corporation payer les frais du dysfonctionnement des règles commerciales». Un autre intervenant révélera qu'une pile de dossiers sont sur le bureau du président de leur association et qui ont trait à des personnes sur le compte desquelles des opérations commerciales ont été faites à leur insu. L'objectif de l'élaboration de ces textes est de mettre fin au phénomène de location des registres du commerce, de fausses déclarations douanières, de fausses domiciliations, de faux numéros d'immatriculation qui prennent des proportions alarmantes chez les opérateurs et les importateurs dans notre pays. Ce qui fait dire à M.Medjebar Bouanem, le directeur de la lutte contre la fraude au niveau de la Douane, qu'aujourd'hui «la douane est envahie par le faux». Conséquences nées du manque de coordination entre les différents secteurs et services intervenant dans les opérations commerciales d'import-export. Un conférencier révèle que des experts étrangers venus en Algérie pour des opérations d'audit, dans le cadre du partenariat avec l'Union européenne ont été choqués de constater que nos institutions travaillent en solo sans aucun échange de données. Les impôts, les banques, les Douanes ne possèdent pas une banque de données commune comme c'est le cas de nos voisins européens d'où le cafouillage et les incohérences constatés. Cette action de lutte contre le crime financier est soutenue par les puissants pays du G8 qui ont recommandé, depuis 1998, la création, dans chaque pays, d'une cellule de lutte contre le blanchiment d'argent après qu'ils aient découvert que cet argent sert en grande partie au financement du terrorisme international en transitant souvent par les paradis fiscaux (Monaco, les îles Caïmans...) C'est ce qui fait le lit du marché informel et de la concurrence déloyale avec toutes les menaces qui pèsent sur le consommateur. Un problème qui, d'après plusieurs intervenants, dépasse même le cadre de la Douane. Faut-il le rappeler, le texte de loi énonce clairement que dans le cas de non-déclaration, les transitaires encourent jusqu'à 5 ans de prison en plus d'amendes pécuniaires. Ce qui a suscité des craintes dans le corps des transitaires. Cette disposition de loi s'applique aussi aux autres fonctionnaires qui activent dans le milieu financier (banque, mutuelle, sociétés d'assurances...). La cellule de lutte que préside M.Amghar, a pour rôle de recueillir, de traiter et de diffuser le renseignement relatif aux circuits financiers clandestins de blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, en collaboration avec les organismes nationaux et étrangers. Elle est indépendante, bénéficiant d'une autonomie financière et constituée de deux magistrats, d'un représentant de la Dgsn, d'un directeur du ministère des Finances, d'un directeur de la Banque centrale et d'un directeur de la réglementation au niveau des Douanes. Son président est l'ancien patron de l'IGF.