Les pourparlers entamés hier à Manhasset, près de New York, entre Marocains et Sahraouis, semblent déjà buter sur les a priori de Rabat La première journée de négociations entre le Royaume chérifien et le Front Polisario n'a pas clarifié la donne tant les Marocains semblent être venus avec une seule disposition, celle d'imposer leur projet «d'autonomie» alors même que la résolution du Conseil de sécurité stipule bien que ces discussions doivent se dérouler sans conditions préalables. Or, Rabat semble bien déterminée à imposer sa propre «feuille de route» mettant à mal la raison même de la tenue de ces négociations qui, selon les termes mêmes de la résolution du Conseil de sécurité adoptée le 30 avril dernier, doivent aboutir à la mise en place des clauses d'autodétermination de la population sahraouie. Or, le projet «d'autonomie» marocain préjuge de la question d'appartenance du territoire sahraoui alors que c'est là le noeud gordien du problème que seul un référendum d'autodétermination libre et transparent du peuple sahraoui est à même de lui donner sa réponse. A l'issue de la première journée de discussions, Ibrahim Ghali, membre du secrétariat du Front Polisario et de la délégation sahraouie, quelque peu dépité, a indiqué à la presse que le Maroc «a proposé comme seule option l'autonomie, une proposition qui viole la légalité internationale et part du postulat que le Sahara occidental est marocain», et le même de souligner «L'absence de volonté politique de la partie marocaine pour aller à des négociations réelles pour une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui prenne en compte le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination». Néanmoins, M.Ghali espère, toutefois, que les négociations «se poursuivent et puissent déboucher sur une solution définitive au conflit». Autant dire que le dialogue de sourds se poursuit, Rabat jouant les trouble-fêtes en tentant d'imposer «sa solution» par la mise de la communauté internationale devant le fait accompli du hold-up des territoires de Saguiet El Hamra et du Rio de Oro (Sahara occidental) commis en 1975 lors de leur occupation par l'armée marocaine. Les Sahraouis qui sont venus à New York, outre de faire valoir leurs droits, discuter sérieusement avec les Marocains, sont convaincus que «le droit à l'autodétermination» tel que confirmé par l'ONU, est «l'unique voie pour trouver une solution au conflit du Sahara occidental» a encore affirmé Ibrahim Ghali qui ajoute: «La délégation sahraouie défendra le droit à l'autodétermination. Nous ne ferons aucune concession sur ce principe et cette exigence». De fait, la veille de l'ouverture des négociations maroco-sahraouies, le secrétaire général du Front Polisario et président de la Rasd, Mohamed Abdelaziz, dans un geste d'ouverture, avait accepté, que la proposition marocaine «d'autonomie» soit présentée au suffrage des Sahraouis en même temps que «les autres propositions, y compris celles de l'indépendance nationale ou du rattachement au Royaume marocain». Mais, sourd à cette ouverture que, lui, ont fait les Sahraouis, le Maroc est lui resté crispé sur une proposition «d'autonomie» qui, en tout état de cause, ne peut être qu'une option parmi d'autres qu'il appartient au seul peuple sahraoui d'endosser ou de rejeter. Rabat part du postulat que le territoire sahraoui est marocain, or rien ne prouve une telle allégation. Lors d'un arbitrage, la Cour internationale de Justice (CIJ), a donné un avis à deux reprises, en 1964 et en 1975, et a, à chaque fois, affirmé qu'il n'existait pas de liens de souveraineté entre les territoires de Saguiet El Hamra et du Rio de Oro et que les quelques allégeances au sultan du Maroc de certains chefs de tribus -qui ne sont pas l'allégeance du peuple sahraoui- ne sauraient signifier une propriété du Maroc sur ce territoire. En fait, seul un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui pourra déterminer l'appartenance des territoires sahraouis. Ce que n'a cessé de demander le Front Polisario depuis plus de trois décennies. Les négociations Maroco-Polisario se sont poursuivies, hier, pour la deuxième et dernière journée de ce premier contact direct Polisario-Maroc. Elles ont eu lieu en présence de l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Peter Van Walsum, et du coordinateur de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso), Julian Harston.