À deux semaines du second round des négociations maroco-sahraouies sous l'égide des Nations unies, le royaume alaouite adopte une position radicale basée uniquement sur l'autonomie, d'où l'anéantissement des chances de réussite des pourparlers de Manhasset. S'estimant en position de dicter ses conditions, le Maroc ne veut entendre parler d'aucune autre issue aux négociations qu'il a entamées avec le Front Polisario que l'autonomie. “Nous sommes fiers de l'élan de sympathie suscité par l'initiative du Maroc et nous sommes dans une situation nettement plus confortable”, a indiqué à la presse le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération pour justifier cette position intransigeante de son pays. Selon Taïb Fassi Fihri, le Maroc ne peut aller au-delà des propositions contenues dans son initiative pour une autonomie au Sahara. Il insistera sur le fait que c'est sur cette base seulement qu'il ira à la deuxième phase des négociations directes de Manhasset près de New York. “Le Maroc rejette catégoriquement l'option de l'indépendance et même toute allusion à cette issue”, a affirmé le ministre, qui fait partie de la délégation des négociateurs marocains. En réponse à une question sur les conséquences d'un éventuel échec des négociations, Taïb Fassi Fihri ira encore plus loin dans sa logique jusqu'au-boutiste en reprenant le fameux slogan : “le Sahara est au Maroc, et le Maroc est dans son Sahara.” Il ajoutera : “Le peuple n'acceptera pas une autre solution. Il n'admettra jamais un autre cadre politique et institutionnel.” Plus catégorique encore, il lancera à son auditoire : “C'en est fini avec les prétentions du Polisario quant à une présumée représentation exclusive des Sahraouis.” Voilà qui est en totale contradiction avec le contenu de la résolution 1754 du 30 avril dernier du conseil de sécurité de l'ONU, qui appelle les deux parties à engager des négociations “sans conditions préalables”. Outre cette violation des dispositions de cette résolution, Rabat ne sait plus sur quel pied danser, en affirmant d'un côté qu'il reviendra à Manhasset “la main tendue”, alors qu'il refuse catégoriquement les propositions de son interlocuteur. À travers, cette sortie médiatique, le Maroc suscite moult interrogations sur la fréquence des changements de sa position vis-à-vis des négociations de Manhasset. Pourquoi le royaume chérifien a-t-il accepté de négocier avec le Front Polisario, s'il refuse d'écouter ses propositions ? En effet, les négociations de par leur définition consistent en un échange de propositions pour aboutir à un accord ou à un compromis. C'est dire que le Makhzen fait fi de la légalité internationale au point d'ignorer les recommandations de la dernière résolution du conseil de sécurité des Nations unies sur le Sahara occidental, qui a pris note des propositions formulées par le Maroc et par le Front Polisario, dans le but d'entamer des négociations sur des bases saines. En tout état de cause, les Sahraouis semblent avoir bien compris le jeu de Rabat si l'on se réfère à la dernière lettre du président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, dans laquelle il a appelé le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, “à intervenir auprès du Maroc pour prêter secours à des dizaines de Sahraouis en grève de la faim dans des prisons marocaines”. “Le fait que le gouvernement marocain persiste dans le mépris du Sahraoui en tant qu'être, qu'il méprise encore les résolutions de l'Onu et leur charte, prouve qu'il n'a ni les bonnes intentions ni la volonté sincère de parvenir à une solution juste et définitive respectant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, tel que stipulé dans la résolution 1754 du Conseil de sécurité”, écrivait Mohamed Abdelaziz. Rabat ne trompe personne, mais prend le risque de voir le conflit s'envenimer. K. ABDELKAMEL